Si cela trotte dans l'esprit de beaucoup de gens lettrés, travaillés sans doute par la curiosité d'en savoir plus, lui, Salah Guemriche, l'a fait. Avec brio. Oui, maintenant, on peut consulter le dictionnaire des mots français d'origine arabe. Et ce n'est pas peu, puisqu'« il y a deux fois plus de mots français d'origine arabe que de mots français d'origine gauloise ! », lit-on dans la quatrième de couverture. Venu de Paris où il réside pour un séjour dans sa ville natale, Guelma, rencontré chez l'artiste-peintre Bettina Heinen-Ayech, il nous dira que cela lui avait pris quatre années de laborieuses études et de non moins ardues recherches. Et on le comprend parfaitement, d'autant plus que si certains mots, dont la signification est non moins dérisoire, des mots « folkloriques ou culinaires », pour reprendre ceux de Assia Djebar, sont connus comme étant d'origine arabe, et sont écrits à tout bout de champ, avec trop de franchise, beaucoup d'autres viennent par le biais d'autres langues, italienne, espagnole…, sciemment cachés, dirait-on, qui ont été traqués, débusqués, mis à jour, enfin quelque part libérés ! De fait, il n'y a pas que « besef », « kif-kif », « couscous », « charabia »… Tout le savoir universel dans la langue française, de l'agriculture à la pharmacie en passant par la zoologie, l'astronomie, la botanique, la médecine, les mathématiques et bien d'autres disciplines, est truffé ou plutôt enrichi ou soutenu de mots arabes et ce, pour certains, depuis plusieurs siècles jusqu'à nos jours. Oui, savez-vous que le mot « @robase », très usité en ces temps de fébrile informatique et Internet, est d'origine arabe ?! Le dictionnaire donne à lire pour chaque mot, un texte. Et il y en a autant de mots, allant de Rabelais à Houellebecq. Comme quoi, « il n'y a jamais eu de sang pur et de langue sans alliage », disait. Antoine Rivarol en 1874, déjà. Le dictionnaire est préfacé par Assia Djebar, de l'Académie française, qui qualifie ces mots de « mots-ponts ou mots-passerelles », pour ceux dont la langue maternelle n'est pas le français et qui, devant la pratiquer pour une raison ou une autre, peuvent ainsi valoriser là leur, qui semblait jusque-là (les) handicaper quelque part. Dans ses recherches de l'origine des mots, comme on sait que derrière chaque mot il y a connaissance, l'écrivain rétablit la paternité de bonnes et déterminantes découvertes à des érudits arabes et/ou musulmans, laquelle paternité avait été sujette à un escamotage dans les traductions. C'est dire qu'on a sous les yeux plus d'un simple dictionnaire. Après ces austères études, Salah Guemriche nous promet un roman. Rappelons que ce dernier, journaliste et romancier, est l'auteur, entre autres, d'Un été sans juillet (Le Cherche-Midi, 2004), L'Homme de la première phrase (Rivages Noir, 2000) et Un amour de djihad, roman historique sur la bataille de Poitiers (Balland, 1995, prix Mouloud Mammeri et prix de l'Adelf). Bravo, Salah ! Dictionnaire des mots français d'origine arabe Salah Guemriche/éditions du Seuil/ mai 2007/878 pages