Le constat est unanime du côté des opérateurs économiques de la wilaya de Béjaïa. La plupart des zones d'activités, au nombre de 21 dans la wilaya, subissent une situation prolongée d'abandon, alors que les investisseurs demeurent en quête d'espace pour donner corps à leurs projets. Cette plainte faite de vive voix au ministre de la Petite et Moyenne entreprises et de l'Artisanat, Mustapha Benbada, en marge de sa visite, mardi dernier, dans la wilaya, a été étayée par des récits personnalisés qui sont autant d'illustrations éloquentes sur les ravages à la fois de la bureaucratie et des ratés de l'élan de réformes théoriquement amorcé dans le pays. Ainsi, un représentant de la sarl Ouvisat, spécialisée dans le montage des téléviseurs, a évoqué l'ubuesque d'une situation qui a conduit sa société à commander des équipements pour l'installation d'une nouvelle unité dans une zone à promouvoir à Oued Ghir, et de se retrouver en fin de compte devant l'impossibilité de les acheminer sur le site. « Les ruelles réalisées dans la zone sont tellement étroites qu'elles ne permettent pas le passage d'un semi-remorque. Comment voulez-vous que l'on puisse déplacer les containers sur les lieux ? » L'investisseur affirme, par ailleurs, avoir réalisé sur ses fonds propres, le raccordement aux réseaux électrique et téléphonique et a autofinancé son projet à hauteur de 70% en contradiction totale avec les formules de soutien à l'investissement. La banque continuerait ainsi à refuser de débloquer les crédits demandés au motif que l'acte de propriété ne fait pas partie des pièces présentées par l'opérateur qui, lui, ne cesse de le demander à l'agence foncière concernée après avoir payé la totalité du prix de la parcelle il y a deux années. Projets en souffrance Un autre cas pouvant révéler le caractère obsolète des textes a été exposé par M. Tighidet. L'opérateur soutient pouvoir créer quelque 420 postes d'emploi si son investissement, dans la filière du tréfilage, venait à voir le jour. « Nos équipements importés restent prisonniers des containers, parce que l'APC d'El Kseur refuse de nous délivrer le permis de construire au motif que le terrain retenu ferait partie du domaine agricole. Or, tout le monde sait que ledit terrain n'a jamais servi à planter le moindre arbrisseau que ce soit durant l'ère coloniale ou bien après. » Enfin, M. Idjaâd, patron de Soummam Emballage, unité spécialisée dans la fabrication des sacs tissés en polypropylène et implantée dans la zone d'activité de Hellouane (Ouzellaguen), soutient avoir supporté seul les frais de viabilisation et de connexions au réseau des télécommunications. L'homme soulève dans la foulée le problème lié à la concurrence déloyale qui, selon lui, peut à court terme et bien avant l'adhésion tant appréhendée à l'OMC « tordre le cou » à la production nationale. Les sacs en polypropylène seraient ainsi importés en quantité par des « opportunistes » qui minorent le prix des produits lors des déclarations douanières. « Le prix de revient d'un sac tourne autour des 14 DA et ces soi-disant importateurs déclarent seulement à 2 DA les unités déclassées qu'ils ramènent de l'étranger, souvent dans le mépris des paramètres spécifiques propres à ce genre d'emballages detinés aux denrées alimentaires », accuse-t-il. La possibilité déjà évoquée puis vouée à l'oubli, concernant la défiscalisation de l'activité suite aux pertes subies dans le contexte des événements vécus en Kabylie, l'attitude frileuse et parfois « clientéliste » des banquiers, la prolifération des « pseudo investisseurs », ... sont autant de griefs soulevés par ailleurs par M. Hocini, représentant de la structure locale de la Confédération algérienne du patronat (CAP), qui va même jusqu'à suggérer un ajournement de l'adhésion à l'OMC. Des soucis que le ministre considère comme faisant partie des effets secondaires inévitables des mutations économiques que vit le pays, tout en reconnaissant l'existence de spéculations sur les assiettes foncières dégagées depuis plusieurs années pour recevoir de nouveaux investissements. L'Etat, selon M. Benbada, est décidé à récupérer les excédents de terrains dans les périmètres initialement affectés à l'investissement et une enveloppe financière serait dégagée pour la réhabilitation et la relance de nombreuses zones d'activité dans le pays