Ils étaient tous là, ou presque, jeudi, à Sidi Ali Benzemra, un village que la nature a doté d'une splendeur inégalable mais que les pouvoirs publics ont complètement délaissé. Les enfants du bled, des cadres, des intellectuels vivant à Paris, Marseille, Oran, Aïn Témouchent, Tlemcen et Maghnia (qui ne s'étaient pas vus depuis vingt, trente ans…) sont retournés au bercail avant-hier. L'événement était de taille : celui qui était l'instituteur, l'infirmier, le facteur, le transporteur, le sage, M. Jean Claude, était là, après 25 ans d'absence. Tous sont revenus lui rendre hommage, lui dire merci pour tout ce qu'il a fait pour leur bourgade, depuis son installation en 1958. Humble, Jean Claude, 72 ans mais toujours fougueux, répondait à toutes les sollicitations. « Ne m'appelez pas monsieur, moi, je vous appelais Mohamed, Mustapha, Ahmed, Abdallah… J'en ai plus reçu de ce village que j'en ai donné… ». Sidi Ali Benzemra est sorti de sa torpeur ce jeudi. Même les enfants, qui ne connaissaient pas l'homme, avaient mis leurs vêtements de l'Aïd. C'était une fête modeste mais sincère. Plus de deux cents personnes tenaient à se partager des souvenirs, leurs souvenirs d'enfance. Le couscous était succulent et le son de la ghaïta et du gallal égayait davantage l'atmosphère d'une bourgade meurtrie et revigorée un temps seulement par la présence de ses enfants prodiges.