A partir d'aujourd'hui, le Suisse Jean Ziegler cesse d'être le rapporteur de l'ONU pour le droit à l'alimentation. Mais son passage a été fortement remarqué en interpellant les pays qui se sont lancés dans la production de biocarburants, entraînant la réquisition d'importantes surfaces, au détriment des cultures vivrières. Il est en ce sens l'auteur du fameux mémorandum, appelant à un moratoire pour quelques années seulement. Et il a vu juste au regard de la situation actuelle. Il est aussi connu pour son rapport sur l'alimentation des Palestiniens des territoires occupés, avec un rapport accablant et surtout une conclusion qui n'a pas plu à tout le monde. « L'alimentation est une arme utilisée par Israël », disait-il alors, suscitant les vives attaques de ce dernier et aussi une réaction peu ordinaire du secrétaire général des Nations unies de l'époque qui refusait d'endosser ce rapport. De ce point de vue, Jean Ziegler n'a pas changé et sa dernière bataille, il l'a menée lundi, aux côtés de Ban Ki-moon. Il a ainsi qualifié la réunion des dirigeants de l'ONU à Berne de « jour essentiel pour les gens qui ont faim dans le monde ». M. Ziegler a renouvelé, lors d'une conférence de presse à Genève, ses appels à un « moratoire total » sur les biocarburants qu'il accuse d'être l'une des causes de la flambée des prix agricoles. Il a également condamné les efforts de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour conclure le cycle de négociations de Doha. « La ligne de Pascal Lamy, directeur général de l'OMC, est totalement contraire aux intérêts des peuples martyrs de la faim », a vitupéré M. Ziegler. Pour l'OMC, au contraire, « les subventions agricoles des pays riches ont détruit l'agriculture des pays pauvres et un système plus ouvert subira moins de distorsions ». M. Ziegler a également dénoncé la spéculation, à l'origine selon lui, de 30% de la hausse des produits alimentaires, et a demandé l'encadrement des denrées agricoles sur le modèle de celui des marchés financiers. L'expert a également vilipendé « la politique aberrante du Fonds monétaire international (FMI) qui, selon lui, dans le but de dégager les devises nécessaires au paiement des intérêts de la dette, a imposé aux pays les plus pauvres les plantations de produits d'exportation au détriment des cultures vivrières ». M. Ziegler s'est félicité du « revirement » du patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, et a appelé les gouvernements à le soutenir pour « donner la priorité absolue aux cultures de subsistance ». Avec sa pertinence et son indépendance souvent mal appréciée comme on le constate, Jean Ziegler a su heurter les esprits. Comme en témoignent d'ailleurs ses nombreux écrits, y compris son propre pays, la Suisse.