A Alger, les salles de cinéma sont tristes à pleurer : enseignes cassées, fauteuils éventrés, rideaux laminés, dalles arrachées... Finies les salles agréables, confortables, accueillantes et douillettes. Finis les fauteuils en velours, les impressionnants orchestres, les écrans géants et les balcons en amphithéâtre ! Ces salles, véritables petites perles d'antan, sont aujourd'hui à l'agonie. Les nostalgiques se souviennent du Midi minuit, Le capri, le Casino (rue Ben M'hidi), Le Marigan (Bab El Oued), Le Versailles (L'Algeria), L'Empire, (L'Afrique, actuellement), le Sierra Maestra (au Meissonier), le Français, L'Ouarsenis, fermé actuellement pour travaux), le Musset, le Roxy, le Caméra, l'Empire (à Belcourt), Pierre Borde (actuellement Ibn Khaldoun), L'Odéon (marché de La Lyre), Variétés (actuellement Aurès), le Rex, le Beaulieu (El Biar)... Aujourd'hui, seules quelques salles de cinéma, telles que L'Algeria, le Mougar, Ibn Zeydoun, Mohamed Zinet, le Cosmos... projettent des films en 35 mm. Pour les autres, elles sont désormais spécialisées dans les films vidéo. « Cela coûte cher d'acheter les droits d'un film, alors les gérants de salles obscures se rabattent sur les films vidéo, disponibles partout », nous révèle Khadra Boudehane, responsable de la Cinémathèque d'Alger (rue Ben M'hidi), une salle qui existe depuis 1965 et qui a totalement été rénovée en 1989 après l'incendie qui l'avait ravagée le 24 décembre 1986. « La Cinémathèque n'a jamais fermé ses portes durant la décennie noire », confie notre interlocutrice. « Nous avons continué vaille que vaille à proposer des films algériens comme La Montagne de Baya (Fezzaz),Machahou (Belkacem Hadjaj), L'Amour et la révolution (Dahane) ou L'Après-octobre (Allouache). Le public nous est toujours resté fidèle. Actuellement la Cinémathèque donne trois séances par jour et nous arrivons à vendre jusqu'à 200 tickets, ce chiffre grimpe jusqu'à 300 lorsqu'il s'agit d'un nouveau film. » Khadra déplore le manque de production nationale : « Combien de réalisateurs, monteurs, cameramen, ingénieurs de son professionnels attendent qu'on les sollicite enfin ? Par ailleurs, les films retraçant l'histoire de l'Algérie font cruellement défaut. D'autres Chroniques des années de braise et La Bataille d'Alger pourraient voir le jour et enrichir la cinématographie algérienne pour peu qu'il y ait une volonté dans ce sens ! » Aujourd'hui, force est de constater que de nombreuses salles obscures se sont transformées en pizzerias, salles des fêtes, salles de jeux, fast-foods et autres commerces lucratifs au grand dam des accros du 7e art. « Pour gérer un cinéma, affirme Khadra, il faut un professionnel car le public n'est pas dupe. S'il est mal accueilli ou si quelque chose le heurte, il ne reviendra pas. Lors de la projection de l'avant-première de Viva Laldjérie de N. Moknèche, j'ai été insultée par certains spectateurs sortis précipitamment, dès les premières séquences. Ils étaient accompagnés d'enfants et étaient gênés par certaines scènes choquantes. On aurait pu éviter cela en avertissant : “Interdit aux moins de 10 ans !”. »Plus de productions nationales, réhabilitation des salles obscures, respect du public algérien : telles sont les attentes de tous les mordus du 7e art !