Il n'existe aucune volonté de l'Etat de limiter l'accès à l'information », a déclaré, mercredi 30 avril, Abderrachid Boukerzaza, ministre de la Communication, lors d'un débat organisé par le FLN sur « le rôle des médias dans l'action politique » au Centre international de presse (CIP), à Alger. Selon lui, il n'y a pas d'instruction écrite ou verbale pour interdire aux institutions de communiquer avec les journalistes. « Nous avons hérité de la culture du silence. Il faut qu'on apprenne le travail de la communication », a-t-il préconisé. Toutefois, il a insisté sur l'identification des journalistes à travers l'établissement « d'une carte nationale de presse » pour chaque professionnel. « Aujourd'hui, on retrouve des dizaine de cartes professionnelles différentes. Cette situation ne peut plus durer », a-t-il dit. Il n'a pas indiqué qui aura autorité à délivrer cette « carte nationale » et dans quelles conditions. Car il y a ce risque de voir les pouvoirs publics « filtrer » les journalistes à travers la délivrance de cette carte. Ce « filtrage » existe déjà, à des échelles différentes, pour les accréditations pour les représentants des médias étrangers en Algérie. Le Conseil supérieur de l'information, créé en vertu de loi 90/07 sur l'information, a été supprimé au milieu des années 1990. Ses prérogatives n'ont été reprises nulle part. D'où le vide actuel. Interrogé sur le nouveau statut des journalistes, appelé « régime spécifique », le ministre a indiqué que l'ancrage juridique de ce texte est la loi 90/11 portant relations de travail. N'existe-t-il pas un risque que ce « décret exécutif » soit supprimé en cas de changement de gouvernement ou d'orientation politique ? « Non, c'est une volonté de l'Etat de doter les journalistes de toutes les conditions de travail », a précisé M. Boukerzaza qui a annoncé que le feu vert est donné pour redresser les failles de la loi sur l'information. Du temps de Khalida Toumi, une mouture portant sur la révision de cette loi a été discutée par les professionnels. Le projet a été abandonné sans explication. Le ministre n'a pas voulu s'étaler sur la nécessité de dépénaliser l'acte d'informer. Selon lui, 97% des plaintes déposées en 2007 pour diffamation émanent de personnes et non des institutions de l'Etat. « Quand la dignité est touchée, les personnes ont le droit de recourir à la justice », a-t-il dit. Evoquant « les disparités régionales » en matière de distribution des journaux, il a déclaré que des mesures vont être prises pour que cette situation soit redressée. Pour le Sud, une imprimerie étatique va bientôt entrer en activité à Ouargla avec un volume de tirage estimé à 35 000 exemplaires. A l'ouverture du débat, Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN et chef du gouvernement, était fier d'annoncer que la presse tire à plus de 2 millions d'exemplaires par jour. Il a rappelé le le nombre de radios locales, estimé à 38. Mais il n'a rien dit sur l'ouverture du champ audiovisuel. Pour lui, les médias algériens ont joué « un rôle reconnu » dans « le renforcement de la démocratie et la consécration du pluralisme politique ». A ses yeux, la presse anime la vie politique « à tous les niveaux ». « Nous avons tous la volonté de construire un système médiatique national qui se distingue par le professionnalisme et le respect des règles de l'éthique », a-t-il déclaré. Parlant d'une presse « impartiale, objective et responsable », M. Belkhadem a estimé que la liberté de la presse est un acquis à protéger. « Mais on doit tous plaider pour une liberté consciente et sincère qui prend en compte avant tout l'intérêt national (…). La dimension humaine et nationale doit être constante dans le traitement des sujets et dans les analyses », a-t-il souligné. Au sortir de la salle, M. Belkhadem, encadré avec vigueur par les gardes du corps, a évité de répondre aux questions des journalistes. « Je vous donne rendez-vous dans une conférence de presse », a-t-il lancé. Quelques minutes auparavant, Saïd Boumaïza, enseignant universitaire, a dit que l'homme politique doit toujours être à l'écoute des professionnels de la presse. « C'est lui qui a besoin d'eux et pas le contraire. Chaque homme politique doit apprendre à répondre le plus rapidement possible à toutes les questions posées par les journalistes. Il doit le faire avec élégance pour celles qui gênent », a-t-il préconisé. A première vue, M. Belkhadem n'a pas appris la leçon ! Mohamed Lagab, spécialiste en communication, a, lui, noté que l'ordinaire ne laisse pas trop de choix aux acteurs politiques. « S'adapter ou disparaître ! Si dans un pays, plus de 10% de la population communique entre eux à travers internet, le gouvernement, quel qu'il soit, sera mis sous pression », a-t-il relevé.