Al Jazeera n'a plus l'autorisation d'émettre à partir de Rabat. Selon Hassan Er-Rachidi, chef de bureau d'Al Jazeera, les autorités marocaines n'ont donné aucune explication à l'arrêt de diffusion du « Journal du Maghreb », mis à l'antenne chaque soir à 21h en temps universel (22h à Alger). « Nous avons reçu un fax nous annonçant l'interdiction d'utiliser tous les moyens de la station terrienne et ceux de l'émission par satellite à partir du mardi 6 mai 2008. La télécopie a été envoyée par le directeur technique de l'Agence nationale marocaine des télécommunications », a-t-il expliqué mardi soir sur la chaîne qui a consacré un dossier spécial. La décision a été qualifiée de surprenante. « Il n'y avait aucun signe qui annonçait une éventuelle interdiction. Aucun reproche nous a été fait officiellement sur notre travail rédactionnel », a ajouté Hassan Er-Rachidi. Vendredi 2 mai 2008, le « Journal du Maghreb » a été amputé d'une demi-heure et ajouté à la grande édition du soir, « Hassad El Youm », diffusée à partir de Doha. La correspondante d'Al Jazeera à Casablanca, Ikbel Ilhami, a annoncé que l'arrêt de la diffusion était lié à « des impératifs techniques », mais « aucun date n'a été donnée pour la reprise ». Hassan Er-Rachidi a précisé avoir contacté le ministre marocain de la Communication, Khalid Naciri, pour s'enquérir de la situation. En vain. Al Jazeera Rabat attend depuis mai 2007 un agrément de l'autorité marocaine en charge de l'audiovisuel. Visiblement, les révélations faites jeudi 1er mai sur Al Jazeera par le journaliste égyptien Hassanine Haykel sur l'étroite relation du défunt roi Hassan II avec Israël ont irrité le palais royal. Reste que le bureau de Rabat de la chaîne demeure toujours ouvert. Pour compléter l'information sur la région de l'Afrique du Nord, de la zone du Sahel et du sud de l'Europe, Al Jazeera a lancé le « Journal du Maghreb » en novembre 2006, préparé par une rédaction composée de sept journalistes. La présentation du journal est tournante et est assurée par des journalistes envoyés de Doha. Au Maghreb, Al Jazeera possède également des bureaux à Tripoli et à Nouakchott. L'Algérie et la Tunisie ont refusé, sans explication, d'autoriser la chaîne à travailler ou même à envoyer des équipes pour les couvertures ponctuelles (les élections, par exemple). Récemment, Tunis a donné son accord pour des duplex, mais pour des invités proches du pouvoir. L'intervention des opposants ne se fait que par téléphone. Al Jazeera cherche à ouvrir un bureau à Alger, mais les choses semblent évoluer lentement. Le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, a accepté de donner une interview à la chaîne à partir de Tanger. Cela a été perçu comme un signe positif. Cela dit, les représentants des médias étrangers à Alger exercent dans des conditions difficiles, soumis à une bureaucratie étouffante du ministère de la Communication. Par ailleurs, la situation de la presse marocaine est toujours éprouvante. Il n'y a qu'à citer l'exemple de Mustapha Hormatallah de l'hebdomadaire Al Watan Al An condamné à sept mois de prison pour « diffusion de documents confidentiels » après la réalisation d'une enquête. Le reporter a entamé une grève de la faim en prison pour protester contre son incarcération. Younès Moujahid, président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), a appelé à la libération immédiate du journaliste.