Le syndicat de l'Entreprise de réparation navale (Erenav) a exprimé hier sa colère au chef du gouvernement contre l'attribution du marché de réparation de six remorqueurs à un seul opérateur étranger. Cette réaction est intervenue après la publication par le groupement d'intérêt commun des entreprises portuaires (Gicep), dépendant de la Société de gestion des ports (Sogeports), annonçant le classement final de l'évaluation des offres techniques et financières relatives au marché de réparation de six remorqueurs. Dans cette liste, adressée le 7 mai à l'Erenav (en tant que soumissionnaire), la société MGI Réalisation Tunisie est classée première et MGI Réalisation Marseille, seconde, alors que l'Erenav occupe la troisième et quatrième places. Dans la même liste, le grand chantier naval, San Giorgio Del Porto, habituellement le plus-disant dans les marchés de réparation avec la Cnan, se retrouve le moins-disant, occupant la quatrième, voire la cinquième place. Ce qui est pour de nombreux spécialistes vraiment intriguant. D'autant que MGI intervient surtout en matière d'engineering dans la réparation navale, de préparation des arrêts techniques et de l'approvisionnement de pièces détachées mécaniques. Ce qui veut dire qu'elle n'a pas les capacités des grands chantiers navals dont la principale activité est la réparation. Dans la lettre adressée au chef du gouvernement, le syndicat de l'Erenav a estimé que le classement systématique de MGI en première position pour la réparation des sept remorqueurs est « dû à la pratique déloyale de sous-évaluation des offres, pratique connue dans l'industrie de la réparation ». Plus grave, après avoir introduit un recours auprès de la direction générale de Gicep, le syndicat a estimé que MGI Marseille « n'est pas un chantier naval, mais une société d'affaires qui sous-traite les travaux avec une multitude d'intervenants et qui procède au moment de la soumission à une sous-cotation pour enlever les marchés et se rattrape une fois la réparation des remorqueurs entamée par la surfacturation des travaux supplémentaires. Le coût final de la réparation dépassera ainsi le montant arrêté lors de l'attribution du marché ». Le secrétaire général du syndicat d'entreprise, M. Zeroual, a écrit dans sa lettre que l'Erenav « qui a consenti ces dernières années un effort méritoire en matière d'équipement et de formation des hommes pour être au niveau de la concurrence internationale ne demande pas l'exclusivité du marché des remorqueurs des entreprises portuaires, mais en parallèle ne peut accepter d'être totalement exclue du marché de la réparation des remorqueurs des entreprises portuaires qui représente annuellement le tiers de son plan de charge ». Il a indiqué que l'Erenav constitue « le noyau » de la réparation navale en Algérie et, de ce fait, « ne peut survivre et encore moins prétendre se développer, en comptant uniquement sur un plan de charge basé sur les avaries ou sur les éventuelles réparations dites accidentelles ». Le syndicat s'est déclaré de ce fait prêt à « renoncer à sa marge bénéficiaire et à réviser ses prix » dans le seul but de s'assurer un plan de charge qui lui permet d'amortir les investissements consentis et surtout de ne pas réduire au chômage une partie de son effectif, « chèrement formé ». Cette lettre, dont une copie a été transmise au secrétaire général de la Fédération des travailleurs des transports, a été suivie d'une rapide réaction du Gicep. En effet, quelques heures seulement après sa remise aux destinataires, la direction générale de l'Erenav reçoit un message du Gicep l'informant d'« une erreur involontaire qui s'est glissée dans la confection du tableau de classement final de l'analyse des offres relatives à la réparation des remorqueurs ». Dans le nouveau tableau, transmis en pièce jointe à cette lettre, l'Erenav se retrouve classée première mais en troisième position après MGI Tunisie, qui est attributaire du marché de la réparation de six remorqueurs, Sidi Abderrahman, Sigha 1, Tassina 1, Tassina 2, Mazafran 2 et Mazafran 3. MGI Marseille et MGI Tunisie se partagent la deuxième position avec la réparation de six navires sur sept. Le septième, accordé à un grand chantier, Piriou. Bizarrement, San Giorgio Del Porto, très connu dans le domaine de la réparation navale, est classé 5e, quatrième et cinquième. Ce revirement a soulevé de lourdes interrogations, notamment chez les syndicalistes qui demandent aux plus hautes autorités d'ouvrir une enquête sur l'attribution de ce marché. « Nous voudrions savoir comment un intermédiaire se retrouve attributaire de l'ensemble du marché de la réparation des remorqueurs des entreprises portuaires, alors que les offres de grands chantiers navals connus sur le marché international sont écartées. Le fait que le Gicep a révisé quelques heures après la transmission de notre lettre de dénonciation au chef du gouvernement pour nous mettre en première position prouve que l'étude des offres est entachée d'irrégularités. Nous savons que nos offres sont concurrentielles et nous ne demandons pas l'exclusivité des marchés, au moins que l'étude soit faite d'une manière neutre et sans aucune complaisance. Nous disons qu'il y a anguille sous roche et qu'il faut donc ouvrir une enquête », a déclaré M. Zeroual, secrétaire général du syndicat de l'Erenav.