Cette question amène une autre plus pertinente. Est-ce que les pouvoirs publics veulent toujours une médecine gratuite pour les citoyens ? Voilà la bonne question qu'Amar Tou, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, devrait se poser, poser à son gouvernement, et poser enfin aux parlementaires algériens. Cette question soulève un problème de fond que les pouvoirs publics éludent, avec beaucoup d'hypocrisie, depuis plusieurs années. Celui de la nécessité de repenser le système de santé et partant de remettre en cause le bien fondé de la médecine gratuite. Autrement dit, veut-on sauvegarder ou non cette dernière survivance de la politique socialisante des années 70 ? Les citoyens savent bien qu'il ne reste plus grand-chose de cette initiative généreuse. Le secteur public de la santé est dans un état de délabrement avancé, tandis que le secteur privé, encore jeune faut-il le préciser, est de plus en plus offensif, performant et en constant développement. Pour ces deux raisons, le malade est naturellement incité à s'adresser à ce dernier, le secteur privé, pour garantir une bonne prise en charge de ses problèmes de santé. C'est souvent le cas, même si celui-ci doit honorer en retour les prestations qu'il reçoit. Ce qui est, somme toute, dans l'ordre des choses. Dès lors, inviter les parlementaires à discuter d'un projet de loi consacré uniquement au « médicament » nous semble dérisoire et décalé au regard des besoins qui s'expriment quotidiennement en matière de prise en charge des problèmes de santé des citoyens. Le lecteur doit savoir, en effet, qu'un projet de loi qui modifie et complète la loi n°85-05 du 16 février 1985, relative à la protection et à la promotion de la santé, est actuellement en discussion à l'Assemblée nationale. Que se passe-t-il en réalité sur le terrain ? Tout un chacun sait que notre système de santé est sinistré. Nos hôpitaux sont austères, vétustes, sales et très peu accueillants. Le malade hospitalisé doit apporter sa literie. La nourriture qui lui est servie est infecte et il est obligé de faire appel à sa famille pour se nourrir décemment. Le défilé des couffins à l'intérieur des services hospitaliers est une caractéristique visible de nos hôpitaux. Un séminaire organisé, il y a quelques années, au CHU de Tizi Ouzou et regroupant les gestionnaires d'un grand nombre de structures hospitalières du pays, a tenté de montrer, sans convaincre, la « volonté » des pouvoirs publics de mettre fin à cette situation. Promesse avait été faite, lors de cette rencontre, d'améliorer les conditions d'accueil, d'hébergement et de restauration des malades. Le ballet des couffins disparaîtrait, nous avait-on dit, à jamais de l'univers hospitalier. Des tentatives visant à rendre plus humain l'accueil des malades ont été faites. Elles ont été vite confrontées aux réalités économiques des hôpitaux et au scepticisme et manque d'adhésion des citoyens à cette initiative. Les promesses n'ont donc pas été tenues. Aux heures de visite, les hôpitaux deviennent de véritables « souks » du fait des va-et-vient des personnes ; mais aussi du fait de la débauche des denrées alimentaires, fruits, laitages et autres victuailles qui remplissent les couffins des visiteurs. Ce qui est strictement interdit, il faut le signaler, dans les cliniques privées. Les examens de radiologie et de biologie sont pour la plupart dirigés vers le secteur privé. Les appareils sont généralement en panne. Le scanner, actuellement examen radiologique ordinaire, est souvent impossible à faire dans le secteur public. Quand l'appareil n'a pas rendu l'âme, les dates de rendez-vous sont dissuasives. Il est évident que moins il y a d'examens radiologiques et/ou biologiques, moins il y a sollicitation de consommables et moins le budget de l'hôpital est chahuté. Cela arrange le gestionnaire qui doit, malgré lui, faire une gymnastique compliquée — souvent au détriment du malade, il faut le préciser, — pour répondre aux exigences des besoins des citoyens et à celles d'un budget qui n'est pas adapté à l'ambition qui lui est dictée. C'est pour cela qu'un ou des appareil(s) en panne n'est en aucun cas contrariant. A titre d'exemple, une structure hospitalière, universitaire de surcroît, vient seulement de procéder à la réparation de ses appareils de scanner après plusieurs mois de panne, sans se soucier du préjudice causé aux citoyens. La réparation de ces appareils a été différée, volontairement (?) hypothèse qui se tient probablement pour réduire la consommation de produits de contraste, de films, d'électricité… Pour réduire aussi le personnel ? Pour l'anecdote, est-ce que les pouvoirs publics savent que la clinique Sbihi de Tizi Ouzou, naguère haut lieu de la gynécologie-obstétrique, est depuis plusieurs années sans gynécologue ? Cette clinique vit ce problème depuis le début des années 90. Nous avons souvenir qu'à cette époque, les associations médicales de la région avaient organisé plusieurs assemblées générales de médecins pour tenter de trouver une solution à ce problème. Les gynécologues en exercice privé, il faut leur rendre hommage, s'étaient engagés devant leurs confrères médecins à prendre en charge le problème, momentanément. Ce qui fut fait. Aujourd'hui, nous sommes « à la case départ ». Veut-on, par cet état de fait, « forcer » le citoyen à recourir au secteur privé pour se soigner ? Veut-on sonner le glas du secteur public en le disqualifiant de cette façon ? Enfin, pourquoi les cliniques privées sont toujours pourvues de spécialistes et leurs appareils de radiologie et de laboratoire ne restent jamais en panne ? Toutes ces questions sont légitimes et méritent d'être posées. L'intérêt accordé aux salaires, actuellement humiliants des personnels de santé, participe, de toute évidence, de la même stratégie. C'est avec les ressources humaines que l'on peut construire un système de santé performant et viable. L'agent de salle et l'infirmière sont les personnes sur lesquelles il est indispensable de s'appuyer pour offrir le meilleur accueil au malade et humaniser l'hôpital. Il est impossible de demander à ces deux repères stables de la structure hospitalière de donner le meilleur d'eux-mêmes, compte tenu de leurs conditions de travail et des salaires qu'ils reçoivent. Ils ne peuvent pas se consacrer pleinement à leur mission si les tracas de la vie quotidienne pèsent sur leur destin personnel. Il en est de même concernant les médecins. Les salaires de ces derniers sont en deçà des exigences d'une vie normale pour des cadres de ce niveau. Il n'est pas besoin de comparer les rémunérations des autres corporations pour se rendre compte de l'injustice qui leur est faite. Beaucoup d'entre eux, et certains sont destinés à de grandes carrières dans le secteur public et universitaire, se sont investis dans le secteur privé, parce que plus gratifiant sur le plan financier. Ceux qui militent pour une médecine publique sont restés dans les hôpitaux, mais jusqu'à quand ? Découragés et/ou désabusés, ils finiront par « jeter l'éponge » et partir vers le secteur privé, avec les effets négatifs corollaires sur la qualité de la santé publique, sur la formation des étudiants en médecine et sur l'encadrement des médecins spécialistes en devenir. Les médecins, en particulier les spécialistes, quittent le secteur public dans les grands centres urbains. Il est moins probable qu'ils aillent peupler les structures publiques de l'intérieur du pays, notamment celles du grand Sud. A moins que les salaires et avantages qui leur sont proposés soient comparables à ceux des médecins étrangers qui viennent pallier le « manque de gratitude et de reconnaissance à leur pays des médecins algériens ». Le problème des médicaments Après les draps et couvertures, la nourriture, les « radios » en panne et un accueil souvent inhumain, une situation nouvelle et grave est observée de façon récurrente ces dernières années. Les malades sont régulièrement contraints, quand ils s'adressent aux structures de santé du secteur public, de se « débrouiller » les médicaments. Ces dernières (les structures de santé publique) sont en manque de produits pharmaceutiques, même les plus indispensables. Ces cas de figure sont particulièrement observés dans les services d'urgence, la nuit, mais aussi dans les services hospitaliers. Il est arrivé qu'un blessé ne reçoive pas son sérum antitétanique, et on meurt encore aujourd'hui de tétanos en Algérie. Il est arrivé qu'un sujet mordu par un chien ou une bête sauvage ne reçoive pas les premiers soins d'urgence et le sérum antirabique indispensable, par indisponibilité du produit dans la pharmacie de la polyclinique et/ou du dispensaire rural. On meurt encore aujourd'hui de rage en Algérie. Le malade doit souvent, dans ces cas, parcourir de grandes distances pour trouver une pharmacie privée de garde ou attendre le lendemain pour obtenir, avec ses propres deniers, le médicament nécessaire. Les pouvoirs publics savent certainement s'ils ne le savent pas, les voilà informés que de nombreux médicaments ne sont pas fournis aux malades hospitalisés dans le secteur public, encore moins à ceux qui sont traités en ambulatoire. Il est de plus en plus souvent demandé à la famille, après que le médecin lui ait prescrit une ordonnance, d'acheter les médicaments à l'extérieur. Cela concerne un nombre important de médicaments, en particulier certains antibiotiques ou les médicaments utilisés pour traiter les maladies graves et chroniques et ceux qui n'ont pas de génériques disponibles sur le marché. Ces médicaments qui coûtent cher ne sont pas sur les étals des pharmacies hospitalières pour des raisons de budget. Les responsables de ces structures publiques arguent qu'elles disposent d'un financement qui n'est pas suffisant pour répondre à la grande demande en médicaments. Cette raison nous a été, bien sûr, invoquée officieusement. Quant au malade, il lui est simplement dit que le produit est en rupture de stock et qu'il doit le ramener de l'extérieur. Pour autant, dans les motifs exposés pour argumenter la nécessité du projet qui est proposé pour approbation aux parlementaires et qui modifie et complète la loi 85-05 du 16 février 1985, il est fait référence à la disponibilité et à l'accessibilité des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux. L'article 194-15 (chapitre VII, titre V) donne entre autres missions à l'agence nationale des produits pharmaceutiques (« l'agence »), nouvellement créée, de « veiller à l'accessibilité aux produits pharmaceutiques… » et « d'assurer la régulation du marché des produits pharmaceutiques… ». De plus, l'article 180 (chapitre III : acquisition des médicaments et appareils médico-techniques, titre V : produits pharmaceutiques et appareils médico-techniques) de la même loi dit ceci : « Les médicaments à usage hospitalier, figurant dans les nomenclatures prévues à l'article 175 bis ci-dessus et prescrits par les praticiens médicaux des établissements hospitaliers publics, sont fournis gratuitement aux malades hospitalisés ou soignés en ambulatoire par ces établissement. » Cet article de loi ne fait pas obligation à la structure hospitalière de mettre à la disposition du malade le produit pharmaceutique dont il a besoin, même si la pharmacie de l'hôpital doit, pour l'acquérir, s'adresser au secteur privé. Nous avons, à l'occasion d'un débat sur ce projet de loi au sein de la commission santé et affaires sociales de l'Assemblée nationale, fait cette remarque au ministre de la santé auquel nous avons demandé de mentionner cette obligation. « C'est superfétatoire », nous a-t-il répondu. Nous avons la conviction qu'il est indispensable de faire mention de cette obligation pour que les hôpitaux du secteur public mettent à la disposition du citoyen malade le ou les médicaments dont il a besoin pour être soigné correctement, dès lors qu'il s'adresse à l'une ou l'autre de ces structures. Nous avons proposé un amendement dans ce sens. Voici les termes de celui-ci : « Les médicaments à usage hospitalier… prescrits par les praticiens des établissements hospitaliers publics sont obligatoirement fournis gratuitement aux malades hospitalisés… » L'ajout de cette mention d'obligation confère au citoyen le droit à recevoir, quelles que soient les circonstances, gratuitement le produit pharmaceutique dont il a besoin et met par la même occasion entre les mains de ce dernier, le citoyen, l'instrument juridique nécessaire pour faire valoir son droit. Nous ne savons pas si cet amendement sera accepté. Dans le cas contraire, il nous sera permis de supputer que le refus de notre proposition est un indice de la volonté des pouvoirs publics à remettre en cause le principe de la médecine gratuite et partant l'article 67 de la Constitution qui oblige l'Etat à prendre en charge gratuitement les problèmes de santé du citoyen.1,4 milliard de dollars US est la facture utilisée en 2007 pour l'importation des produits pharmaceutiques (El Watan Economie, 28 avril au 4 mai 2008). Pour satisfaire seulement 70% du marché local. Le reste étant fourni par la production nationale. Les médicaments ne devraient donc pas manquer dans les officines. Ceci est vrai pour le secteur privé. Peut-on alors justifier le manque de certains produits dans le secteur public ? 45% des produits importés sont des génériques. La loi de finances 2008 en a fait son cheval de bataille pour réduire les coûts de la santé. Cette initiative est bonne et de nombreux génériques sont d'excellente qualité. Toutefois, les praticiens savent que les copies de molécules pharmaceutiques n'ont pas toujours l'efficacité attendue et qu'elles sont souvent à l'origine d'effets secondaires indésirables, parfois graves. Les motifs exposés en préambule du nouveau projet de loi évoquent l'accessibilité aux médicaments, mais aussi la qualité et la sécurité. Est-ce que ces motifs sont compatibles avec une politique du médicament axée sur une préférence exagérée faite au générique ? Sans doute oui pour ce qui est de l'accessibilité. Cela est moins sûr en ce qui concerne la qualité des produits et la sécurité de leur usage. Le principal critère de qualité du générique est la bio-équivalence et l'art 170 (titre V) de ce nouveau projet de loi y insiste. Est-ce que tous les produits copiés mis sur le marché répondent à ce critère ? Nous sommes en droit, au regard des informations recueillies sur le terrain, d'en douter, notamment en ce qui concerne les molécules qui nous viennent des pays émergents. L'inefficacité et/ou la présence d'effets secondaires varient souvent d'un lot de médicaments à un autre. Cela est vérifié chez le patient traité avec un produit durant plusieurs semaines ou mois. Avec le même médicament apparaissent des effets secondaires ou des symptômes de rechute. Deux hypothèses peuvent alors être évoquées dans ce cas : Si des lots de mauvaise qualité arrivent sur le marché, il est permis de penser que le contrôle de la qualité est poreux et qu'il n'est donc pas fiable. Si le contrôle de la qualité est efficace et que les lots de mauvaise qualité ne proviennent pas des circuits de distribution formelle, ils viennent d'ailleurs, c'est-à-dire du circuit parallèle. Les médicaments peuvent dans ce cas être des produits de contrefaçon, des produits « Taïwan ». Il est, bien sûr, plus facile de contrefaire des génériques qui viennent des pays émergents. Chacun sait que des médicaments et des dispositifs médicaux, d'ailleurs, rentrent dans le pays dans des cabas. Le « trabendo » existe aussi dans ce domaine, à l'exemple du DHEA (déhydroépiandrostérone) hormone de « jouvence » qui n'est pas importée officiellement et qui est dans les étals de certaines pharmacies des implants et des prothèses dentaires. Le principe de sécurité des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux est ici inexistant. Le nouveau projet de loi prévoit dans le titre V un chapitre VI bis intitulé « Contrôle et vigilance ». Tant mieux, mais ce contrôle s'adresse aux produits venant du circuit formel. C'est pourquoi, pour lutter contre les produits « Taïwan », il est indispensable de prévoir dans ce projet de loi un article qui exprime clairement la volonté des pouvoirs publics de punir le trafic des médicaments et des dispositifs médicaux. Nous avons proposé d'ajouter, à l'article 195-15 (chapitre VII, titre V) qui fixe les missions de l'Agence nationale des produits pharmaceutiques, l'alinéa suivant : l'agence a, entre autres mission : celle de lutter contre l'introduction frauduleuse et toute forme de trafic des médicaments et des dispositifs médicaux, à usage de la médecine humaine. Sera-t-il seulement accepté ? Est-il possible d'assurer un contrôle de qualité efficace quand pour une même molécule, il est importé 4 ou 5 génériques ? Est-il possible que la qualité soit la même quand une molécule mère vaut 10 fois plus chère que le générique. A titre d'exemple, un antidépresseur coûte 1200 DA la boîte de 16 gélules pour la molécule mère. Le générique fabriqué en Algérie coûte, pour la même quantité de gélules, 700 DA. La copie importée d'un pays émergent est au prix de 100 DA. Cela se passe de tout commentaire. Ces « petits coûts » arrangent les affaires de la Cnas qui indexe les remboursements sur le prix le plus bas au détriment de l'assuré qui doit « expérimenter » une molécule inefficace quand celle-ci n'est pas porteuse de risque pour sa santé. De plus, cette importation effrénée et incontrôlée de génériques, au-delà du danger qu'elle représente pour le citoyen malade, est une nuisance pour l'économie du pays. Elle ruine les efforts des entreprises pharmaceutiques nationales qui ne produisent que ce type de molécules. A ce titre, on peut se demander comment vont survivre, à cette concurrence débridée, les 11 usines pharmaceutiques en projet en Algérie. Mais c'est là un autre problème. Notre système de santé est mauvais. Il n'est ni gratuit ni payant. La sécurité sociale ne remplit pas sa vraie mission et se targue de faire dans le mécénat. Elle contribue, nous dit-on, en milliards de dinars (38 milliards de dinars pour 2007) pour soutenir l'Etat dans son effort de prise en charge de la santé des citoyens. La sécurité sociale a une mission : la prise en charge de ses cotisants. Elle doit s'en tenir à cela, tant pour les prestations servies dans le secteur privé que celles servies dans le secteur public. L'Etat alloue des budgets dérisoires mais n'assume pas son désir inavoué de revenir sur la politique de la médecine gratuite. Il investit dans des projets compliqués et coûteux, tels que les greffes de rein, de cornée, etc. alors que les soins élémentaires ne sont pas prodigués aux citoyens. Il faut amener le progrès dans notre système de santé, il faut également ouvrir et développer des pôles d'excellence et des centres de soins très spécialisés comme les centres anti-cancer, de cardio-pédiatrie, de chirurgie thoracique, etc. mais il faut aussi permettre au citoyen de faire prendre en charge son problème de vésicule, d'ulcère, ou de vessie. Accéder actuellement à des séances de chimiothérapie anti-cancer dans les hôpitaux relève du parcours du combattant. Il en est de même pour faire opérer une simple lithiase biliaire. Les médecins sont débordés ou n'ont pas les moyens de répondre à une demande de plus en plus grande. Si nous voulons donner les meilleurs soins aux Algériens, nous devons savoir quel système de santé nous voulons. Le choix politique fait, le reste est aisé et n'est que procédure technique et financière. Puisqu'il s'agit d'argent, il faudra prendre le problème par ce bout. L'évaluation du coût de la santé doit être faite sans complaisance. Actuellement, l'Etat alloue en dépenses de santé environ 340 euros/an/habitant. 3430 euros en France. C'est sur la base de ce taux qu'est calculé le budget alloué annuellement aux structures de santé du secteur public. Toutes charges confondues. Insuffisant au regard des résultats obtenus sur le terrain. De toute évidence, le financement de la santé publique ne tient pas compte des tarifs actuels des actes médicaux et chirurgicaux, des examens biologiques et radiologiques, etc. Il ne tient pas compte non plus des véritables coûts de la restauration du malade, de son hébergement et de la nécessité d'actualiser les salaires des personnels qui en ont la charge. C'est pour cela que les gestionnaires des établissements du secteur public de santé essaient de faire des économies, bien sûr au détriment de la qualité de la prise en charge du malade et de la qualité de la médecine gratuite. Les budgets alloués doivent être remis à niveau sur la base d'une évaluation réaliste et régulièrement actualisée du prix de toutes les prestations et des rémunérations qui doivent, d'ailleurs, être alignées sur celles pratiquées dans le secteur privé. Si les pouvoirs publics optent pour le maintien du principe d'une médecine gratuite, ils doivent lui donner les moyens de sa politique. La sécurité sociale doit payer les prestations servies à ses adhérents par le secteur public comme elle le fait avec le secteur privé. L'Etat doit prendre en charge, quant à lui, les personnes non couvertes par une assurance sociale. Le projet de loi, actuellement en débat à l'Assemblée nationale, ne prend pas en considération cet aspect du problème, c'est-à-dire le coût réel de la prestation médicale, comme il n'évoque pas non plus la nature de la relation qu'il doit y avoir entre les caisses de sécurité sociale et le secteur public de la santé. Pour autant, cette relation ne semble pas clairement définie, contrairement à celle qui lie la Cnas aux cliniques privées conventionnées. Tout au plus, il est fait mention à l'article 211, chapitre II, titre VI, des « tarifs des prestations effectuées dans les établissements de santé privés qui peuvent être l'objet de plafonnement selon des modalités fixées par voie réglementaire ». Rien de plus. Mais que deviendra la sécurité sociale si l'Etat venait à actualiser le coût des prestations servies aux assurés sociaux ? Il n'est un secret pour personne qu'elle sera mise en grave difficulté, peut être en faillite.La croisade que Tayeb Louh, ministre du Travail, de l'Emploi et de la sécurité sociale, est en-train de mener contre les « fraudeurs de l'ordonnance et des arrêts de travail » en est un indice. Les pouvoirs publics ont la hantise d'un krach financier de la sécurité sociale et, de toute évidence, ils sont en panne de solutions. C'est encore là un autre problème. Alors ! La médecine est-elle toujours gratuite en Algérie ? Oui, sans doute si l'on se réfère à l'article 67 de la Constitution et aux articles 20, 21 et 22, chapitre III (gratuité des soins), de la loi N°85-05 du 16 février 1985 relative à la protection et à la promotion de la santé. Certainement non dans la réalité. Puisque les conditions d'accueil du malade dans les services de santé du secteur public sont dissuasives et amènent ce dernier à s'adresser au secteur privé pour recevoir les soins adaptés à son état. Si le sujet est assuré, cela ne pose pas de problème. La caisse de sécurité sociale prend en charge au moins une partie des frais qu'il a engagés dans les soins. Si le malade n'est pas assuré, c'est une histoire qui commence et qui finit toujours au détriment de ce dernier. L'auteur est psychiatre - Député du RCD Membre de la Commission santé, affaires sociales, travail et formation professionnelle