La contractualisation des soins dans les hôpitaux, dans les cliniques privées, chez les médecins privés, n'est pas un concept nouveau en Algérie. C'est un vaste projet mis en chantier depuis au moins six années. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, lui a toujours accordé une grande importance, et ce, depuis son arrivée à la tête de l'Etat. Des améliorations mais aussi des lacunes A plusieurs occasions, le chef de l'Etat a rappelé ses ministres à l'ordre sur la nécessité de relancer un chantier qui a du mal à démarrer sur le terrain. Les entraves sont multiples et retardent son application effective. En effet, ce n'est pas chose facile dans un environnement hostile, dirigé par des intérêts purement personnels qui parfois s'opposent à toute réforme qui menacerait leurs positions. Des contradictions internes et externes qui causent de nombreux blocages, difficiles à comprendre par le simple citoyen, et à justifier par les responsables des deux ministères du Travail et de la Santé. Ces derniers continuent d'assurer la poursuite des efforts pour la concrétisation du projet, arguant de la disponibilité de moyens financiers, humains mais aussi, disent-ils, de la volonté politique chez les dirigeants. Toutefois, comme nous pouvons le constater, très peu de réalisations vont dans le sens de cet objectif national. Cela atteste de la persistance des résistances. La carte Chifa fait progressivement, timidement, son chemin, prometant les changements qui ne pourraient être que bénéfiques pour tous les citoyens. Ce n'est pas évident pour le projet de contractualisation qui devrait sanctionner tout un processus de réformes. Et pour cause ! Dans les hôpitaux, aussi bien dans les grandes villes que dans les petites agglomérations, les problèmes d'ordre matériel et humain demeurent les mêmes depuis des années. Certes, il y a des améliorations, de grandes améliorations, devrions-nous dire, mais il y a aussi de grandes lacunes. Les hôpitaux, voire toutes les structures de santé, de façon générale, manquent d'espaces, d'équipements adéquats, de médicaments, de services d'analyses médicales, d'imagerie médicale… ,Le développement des structures de santé en Algérie ne suit pas la croissance rapide de la population, avec ses besoins et ses exigences de plus en plus pressants. Ajoutez les problèmes de l'environnement, le stress, la mauvaise alimentation… en somme, les mauvaises conditions de vie, cela ne peut entraîner que davantage de pression. Le personnel médical, paramédical… et autres ne s'y retrouvent pas. Le citoyen, non plus. C'est une évidence. Santé et travail, les ministres confiants Mais tous ces écueils n'empêchent pas les responsables des deux départements ministériels, au nom de la politique gouvernementale, de maintenir le cap. Ils ne ratent pas une occasion de s'assurer du maintien des projets en cours et de la programmation d'autres. Des projets qui ont tous pour objectif l'amélioration du système de santé en Algérie et son adaptation aux normes internationales. Dans une récente déclaration à la presse, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Djamel Ould Abbès, a affirmé que de grands moyens financiers sont mobilisés par l'Etat algérien pour mener à terme les chantiers en cours et en lancer d'autres. «Nous sommes en train de régler tous les problèmes. Jamais l'Etat algérien n'a dépensé autant d'argent pour la santé comme il le fait ces dernières années». De son côté, le ministre du Travail, Tayeb Louh, affirme sa satisfaction quant à la mise en service de la carte Chifa. Pour le ministre, le projet avance bien, doucement mais sûrement. Les premiers concernés sont les malades chroniques, donc inscrits dans le régime du tiers payant. Des centaines de milliers de cartes ont été élaborées et distribuées, d'autres le seront à l'avenir. Au CHU Mustapha Pacha à Alger, des lecteurs de la carte Chifa ont été installés dans les services d'accueil pour l'identification des assurés et la mise en marche du nouveau système. Toutefois, la contractualisation dans cet hôpital n'a pas encore commencé mais elle est au programme, assurent des responsables des deux ministères. Tayeb Louh annonce que le système de contractualisation sera généralisé à tous les établissements de santé publique. Ce sera la même chose avec les cliniques, les médecins et les ambulances privées… tous les intervenants dans les soins. Un citoyen témoigne des bienfaits de cette carte : «A Boumerdès, un homme a été grièvement blessé dans un accident de la circulation. Une ambulance privée de passage sur la même route s'est arrêtée pour lui apporter les premiers secours. L'équipe à bord de cette ambulance constate que l'homme grièvement blessé est en possession d'une carte Chifa. C'est la sienne. Comme par hasard, l'ambulance est conventionnée avec la CNAS et travaille directement avec une clinique privée. Elle prend l'homme et le transporte directement vers cette clinique où il bénéficie des meilleurs soins sans rien payer. Lui-même était étonné de la sa bonne prise en charge.» Le pouvoir de l'informel Si dans cette wilaya, du moins dans certaines localités, le projet avance au rythme souhaité, ce n'est pas le cas ailleurs. Les réticences sont réelles, les oppositions et les résistances, encore plus. Premier grand problème, des centaines de milliers de citoyens ne veulent pas être déclarés à la Sécurité sociale. Cela n'arrange pas leurs affaires. Ce sont généralement des commerçants, des personnes assez riches. Ils sont dans le circuit de l'informel mais considérés comme chômeurs. Ils ne sont pas déclarés à la CASNOS, leurs employés ne sont pas affiliés à la CNAS et, bien sûr, leurs recettes ne sont pas déclarées aux directions des impôts. On fait tout pour fuir ces impôts, quitte à se priver soi-même des bienfaits de l'affiliation aux caisses d'assurances sociales. Le malheur, c'est que ces personnes ne sont pas les seules à être pénalisées par cette situation. Elles pénalisent les nombreuses familles qui dépendent de ce travail. Comment amener ces commerçants à adhérer à ce projet de contractualisation ? Là est la question. A vrai dire, cela ne pose pas de problème pour eux. Ils ont l'argent pour se payer des consultations à 800 DA, des analyses médicales qui pourraient dépasser les 10 000 DA, le scanner à 15 000 DA… et autres dépenses. Le paradoxe, c'est que ce sont ces gens riches qui bénéficient le plus de la générosité des premiers responsables des établissements hospitaliers. Des CHU. Des meilleurs soins, devrions-nous dire. Ils ont leurs réseaux dans le système de santé. Un coup de téléphone suffit pour obtenir un rendez-vous, le plus tôt possible, pour une quelconque intervention chirurgicale. Un simple citoyen doit faire des tours et des détours pour de simples analyses. Très souvent, sa demande est rejetée. L'autre problème, est le conventionnement avec les médecins privés. Ces derniers ne déclarent pas les tarifs réels. Cela ne les arrange pas. Même chose pour les cliniques privées qui empochent des millions de dinars sans déclarer un centime. L'argent est transporté dans des sacs, y compris lorsqu'il s'agit de payer leurs médecins. Comment amener ces cliniques à déclarer leurs chiffres réels ? Ce n'est pas évident… Voilà pourquoi la contractualisation reste au stade d'un simple projet qui peine à se matérialiser. K. M.