Des milliers de personnes, hissant l'emblème national et scandant des mots d'ordre religieux du genre « La Ilaha illa Allah, echahid habib Allah » (il n'y a que Dieu et le martyr ami de Dieu), ont accompagné à pied la dépouille de Mérouane Saifia, âgé de 30 ans et père d'un bébé de 8 mois, au cimetière Cheikh Abdelkader de la communauté malékite, situé à la sortie de la ville de Berriane. Le défunt est la première victime tuée vendredi dernier par un policier au quartier Les moudjahidine. Les versions sur sa mort diffèrent d'une communauté à l'autre. La famille de Mérouane déclare que ce dernier revenait de son travail lorsqu'il a reçu une balle dans le dos, tirée par un policier qui n'était ni en service ni dans son quartier. Pour les Mozabites, l'auteur de ce tir n'a fait que défendre sa famille qu'il croyait menacée en voyant la foule avancer vers sa maison. Entre les deux versions contradictoires, seule une enquête judiciaire déterminera les circonstances de cette tragédie qui a plongé tout un quartier dans la terreur. Mais hier, après une nuit agitée par des heurts violents, qui se sont soldés par la séparation totale entre les deux communautés, les voisins rivaux ont décidé d'enterrer la hache de guerre, le temps d'organiser les rituels funéraires de leurs morts (un de chaque côté) dans la sérénité. Vers 17h, le cortège funèbre s'est ébranlé du centre de santé, où était entreposé le corps, pour traverser la ville encadrée par un impressionnant dispositif de sécurité. Le niveau d'alerte est au maximum. Des mots d'ordre appelant à la vengeance sont scandés par un groupe de jeunes, suivis par d'autres qui ont carrément versé dans l'apologie de Oussama Ben Laden, une manière de provoquer les policiers, visiblement sur leurs gardes. Vers 18h, la foule arrive au cimetière et après quelque temps, elle ressort en scandant les mêmes slogans. Quelques groupuscules tentent d'aller vers l'autre côté de la ville, et ce sont les vieux qui les empêchent en les obligeant à rejoindre leurs quartiers. Vers 18h30, la ville s'est vidée pour ne laisser que les gendarmes et policiers occuper les rues, les ruelles et les artères. Les deux camps sont désormais séparés, non seulement par un cordon de sécurité, mais aussi par le départ massif de toutes les familles de part et d'autre. Les camions de déménagement n'ont pas cessé de circuler dans les deux sens sous l'œil des policiers et gendarmes. Hier, dans un élan de solidarité, médecins et scouts ont décidé de collecter des tentes pour les donner aux 217 familles mozabites qui ont quitté les lieux pour s'installer non loin d'une caserne militaire sur la route de Guerara. Visiblement, les deux communautés n'arrivent plus à trouver un terrain d'entente pour s'accepter et vivre ensemble. Cette crise aurait pu être bien gérée si les autorités avaient réagi à temps, en réglant le problème de sécurité dont souffraient les deux parties, qui aujourd'hui, font face toutes les deux aux lourdes retombées de la violence. Si le test du premier enterrement a eu lieu dans le calme, beaucoup craignent la journée d'aujourd'hui avec l'inhumation de la deuxième victime par la communauté mozabite. On croise les doigts, même si beaucoup font confiance aux tractations entre les aînés des deux communautés pour le retour au calme.