Il est loin le temps où le pouvoir chinois, sous l'impulsion de Mao Tsé-toung lui-même, cachait au monde un sinistre quasi inégalé. En 1976, un séisme de 7,8 sur l'échelle de Richter (8,2 selon des sources occidentales) a détruit entièrement la ville de Tangshan (200 km à l'est de Pékin), faisant 24 200 morts selon Pékin et 700 000 selon des estimations internationales. Pékin (Chine) / De notre envoyé spécial Pour la première fois dans l'histoire tourmentée du pays le plus peuplé de la planète, le pouvoir local a donné libre cours à une médiatisation de tous les instants du sinistre qui a fait, selon toute vraisemblance, plus de 30 000 morts (50 000 peut-être) et 5 millions de sans-abri, sans compter les quelques blessés atteints plus ou moins gravement. Près de dix jours après le cataclysme, et après une série d'infortunes à la suite de la mésaventure de la flamme olympique qui a connu un parcours chaotique et le soulèvement tibétain marqué par une intransigeance somme toute attendue, le régime chinois a, cette fois-ci, semblé changer radicalement sa manière de faire en optant pour la transparence extérieure et la cohésion intérieure. C'est ce qui explique l'empressement du Président et du Premier ministre chinois à se rendre sur place dès les premiers instants pour aller consoler les victimes et encourager les 150 000 sauveteurs attelés à tenter de tirer les personnes vivantes coincées dans les décombres. A Pékin, la tension est nettement perceptible chez le citoyen ordinaire qui a vécu difficilement cette année préolympique. A l'instar des résidents de la capitale, toute la Chine s'est immobilisée,avant-hier, pendant trois minutes, en hommage aux victimes. En fait, l'opinion publique chinoise a reçu positivement la mobilisation immédiate du pouvoir central, confortant l'image d'un pays moderne et de dirigeants humains sachant se mettre immédiatement au service de leur population. Ce nouveau style dans les relations publiques semble, ici, avoir été remarquablement perçu par le citoyen ordinaire après la désastreuse gestion de la situation au Tibet, quelques mois auparavant. Gains multiples pour le pouvoir chinois Le gain pour le pouvoir chinois est multiple. Avec les Jeux olympiques, démonstration sera faite au monde qu'un pays au pouvoir centralisé, sans alternance politique ni multipartisme, peut générer une dynamique de développement sans pareille et se hisser en peu de temps au niveau d'une superpuissance respectable. Au plan intérieur, les dirigeants ont gagné en crédit par leur célérité à se rendre sur place, à mettre des moyens remarquables au service des secours et à mobiliser dès lors toutes les énergies pour la reconstruction des quelque quatre millions de bâtiments détruits, ou sérieusement dégradés par le séisme. Le parti communiste et l'armée chinoises ont donné la mesure de l'idée répandue selon laquelle les deux entités et le peuple ne font qu'un. Allusion faite au voisin birman, continuellement décrié au niveau international pour sa non-gestion après le cyclone qui a ravagé le sud de la Birmanie et dont la population sinistrée est encore en attente de l'aide et de l'attention que le régime militaire ne daigne pas lui accorder. A un peu moins de trois mois des Jeux olympiques, les Pékinois espèrent que plus rien de dommageable ne se passera d'ici là, tant il est vrai que rien, ces derniers temps, n'a été épargné à une population qui souhaite jeter une passerelle avec le monde à la faveur de ces joutes quadriennales.