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La fascination envoûtante de l'empire du milieu
Pépriple séduisant à travers les merveilles plurimillénaires de la Chine
Publié dans El Watan le 19 - 03 - 2008

On ne peut aller en Chine sans visiter la Grande Muraille. En ce qui nous concerne, nous n'avons pas dérogé à la règle, mais sans trop croire au vieux dicton local qui pousse cette évidence jusqu'à oser dire que « L'on n'est point homme tant que l'on n'a pas atteint la grande muraille, ni héros tant que l'on n'a pas foulé son chemin de ronde ». Quelle qu'en soit l'exagération, peu sympathique, contenue dans cette croyance, une chose, cependant, est quasi certaine : il sera tout simplement inconcevable, qu'une fois arrivé dans ce si lointain pays des dragons, l'on ignore, volontairement, l'une des merveilles du monde.
Pékin (Chine). De notre envoyé spécial
De retour de Harbin, ville de neige et de glace, nous avons pu réserver une journée pour Pékin. Le décalage horaire, les décollages et atterrissages nocturnes ne nous ont pas aidés à mieux apprécier les multiples curiosités historiques d'une capitale si tentaculaire. A l'hôtel Days Imm, nos négociations avec Mme Wang, membre d'une structure d'accueil des délégations étrangères, se concentraient principalement sur notre souhait de visiter la Grande Muraille. Bien que nous comprenions aucun mot chinois de ce que débitait notre excentrique dame, nous avons, pourtant, la certitude que notre destination l'indisposait quelque peu. Vaincue, notre dame finit par sourire tout en raccrochant son téléphone portable. En langage de signe, elle nous confirme donc qu'au petit matin nous irons à la rencontre de la fameuse Grande Muraille.
L'expédition
Au petit-déjeuner nous faisons, en quelque sorte, le plein. Il y a du pain, des omelettes, des fruits. Bref, des choses qui nous sont familières. Ce n'est pas le cas de ce que nous ingurgtions stoïquement au déjeuner et au dîner. A ces deux rendez-vous culinaires, nous peinons à reconnaître ce que nous mangeons, sauf certaines herbes marines et de la salade étrangement cuite dans de l'huile et accompagnée d'une sauce noire au goût sucré. Nous n'oublierons pas évidemment ces fruits aussi exotiques que leur nom d'œufs du dragon rouge. Notre abnégation à honorer la cuisine chinoise dans ces mille et un secrets a été couronné d'une grande dextérité dans le maniement des baguettes. Un tel exploit, en quelques jours, n'est pas passé inaperçu aux yeux de nos amis de table chinois qui ne tarirent pas d'éloges à notre égard. A 9h, Mme Wang, mal coiffée, est déjà arrivée. Comme la veille, elle ne cessait de se parler à elle-même. Mainte fois, nous essayons d'engager une petite conversation avec le peu d'anglais que nous connaissons, mais peine perdue, elle semblait toujours préoccupée par on ne sait quoi. Nous aurions bien voulu nous renseigner sur les splendides palais et quelques autres curiosités qui bordent l'autoroute menant vers la Grande Muraille. Ainsi, sur 80 km vers le nord-ouest de Pékin, des paysages se succèdent, rivalisant de beauté. Sur le flan de la montagne qui longe la route, l'alignement des arbres nous rappelle les campagnes de reboisement de chez-nous. Pékin a grand besoin de verdure pour s'oxygéner et lutter contre l'épais brouillard généré par la pollution qui l'étouffe en permanence. Notre conductrice se lance dans des manœuvres assez hasardeuses qui nous renseignent sur sa méconnaissance des lieux. Heureusement que la muraille, imposante, se profile déjà à l'horizon. A l'approche du site, nous constatons que la neige a tout recouvert. Mme Wang arrive tant bien que mal à repérer le parking et à garer sa voiture allemande de fabrication chinoise. A peine sortis du véhicule qu'une nuée de vendeurs et de vendeuses de toc, de cache-nez, de gants et de tout l'attirail de montagne nous assaille. En une fraction de seconde, on est vêtu de la tête aux pieds. Ces femmes et ces hommes aux traits mongols vous sourient sans cesse, en vous assurant que tout vous va comme un gant ! Il faut juste payer la marchandise. Nos tentatives de leur expliquer que nous disposons des mêmes articles chinois en Algérie sont restées vaines. Mme Wang, elle, a détalé des lieux. Elle entreprend même d'escalader les premières marches conduisant vers l'accès principal de la muraille. Sur place, de grandes inscriptions aux caractères chinois (mandarin) ornent les frontons de sièges officiels et les murs menant vers la muraille. Les touristes en profitent pour immortaliser quelques moments de magie.
Le gigantisme à la perfection
Le temps devient solennel devant le gigantisme d'une œuvre, pourtant humaine, dont les origines remontent à plusieurs siècles. Si l'ouvrage compte quelque 6700 km, 500 autres viennent d'être découverts en 2001 dans les régions de Yumen. Véritable fortification dans l'ancien temps, la muraille n'en est pas moins un véritable livre ouvert sur l'art architectural et l'évolution des matériaux de construction à travers des siècles. Aujourd'hui, c'est lui qui a besoin d'être protégé de plusieurs menaces, tant naturelles qu'humaines . En 1987, la Grande Muraille est classée patrimoine mondial de l'Unesco. Et ce n'est qu'en 1991 qu'elle a été survolée, pour la première fois, par des satellites. La place où sont alignés les accès ne désemplit pas de touristes de toutes les nationalités. Pourtant les nationaux semblent prédominants. Mme Wang rejoint le peloton et, toute émue comme nous, découvre la merveille du monde. Le tracé de la muraille profite au maximum des hauteurs et des crêtes. Des marches à la taille inégale s'alignent à n'en plus finir. Des tronçons sont entrecoupés de tours de défense et d'alarme. A présent, ces tours défensives, pourvues de meurtrières, servent d'espace commercial aux marchands de bibelots et autres cadeaux souvenirs. Ces commerçants engagent des rabatteurs, hommes et femmes, si habiles qu'ils ne perdent aucun client. Leur expérience acquise facilite l'approche du client touriste. Certains d'entre eux vous surprennent par leur connaissance de plusieurs bribes de langues et, surtout, de la parité des monnaies. Evidement, les prix sont élastiques. Il n'est pas rare d'acheter au quart du prix proposé au départ. Le froid et la neige ne facilitent guère l'ascension de ces tronçons escarpés, faits de pierres si bien alignées qu'on ne peut manquer de rendre hommage au génie des milliers d'ouvriers qui ont réalisé ce chef-d'œuvre. Nos jambes se raidissent et nous commençons, déjà, à respirer de plus en plus difficilement. Nous nous agrippons fortement à la main courante métallique, portée comme une balafre hideuse sur les parois du mûr, pour fouler encore quelques mètres de cette muraille qui serpente à perte de vue, au gré du relief montagneux, avant de disparaître, au loin, dans un épais brouillard. Ces images, presque irréelles, sont l'œuvre d'hommes qui, en quelque sorte, défient la nature en la marquant de leur empreinte immense de quelque 7000 km. Sur le chemin du retour, le silence était presque total dans le véhicule. Seules les manœuvres hasardeuses de Mme Wang nous tiraient, de temps à autre, de nos songes. De retour à Pékin, notre conductrice se révèle d'une extrême attention et de disponibilité à notre égard. Sous nos encouragements à nous faire visiter le maximum de curiosités de la ville, Mme Wang n'a pas tardé à se faire arrêter par des policiers. Ils lui reprochent d'avoir emprunté un sens interdit. Quelques minutes plus tard et surtout après nous avoir dévisagés, ils ordonnent à notre chauffeur — encore à la recherche de ses papiers au fond de son sac à main — de circuler.
La cité de la longévité
Tout heureux de la fin de notre mésaventure, nous filons droit vers le nouveau stade olympique. C'est une véritable réalisation futuriste en charpente métallique si enchevêtrée dans tous les sens, qu'elle est déjà surnommée le nid d'oiseau. Malheureusement pour nous, c'est du haut d'un pont qui surplombe ce joyau architectural, qu'on a consacré quelque minutes pour l'admirer dans sa beauté extravagante. Mme Wang vient, encore une fois, de rater la route et de nous abandonner à l'appétit de deux jeunes hommes qui nous proposaient à prix ferme des petites répliques du stade en question. Pour les Chinois, le chiffre 9 incarne le symbole de la longévité. La couleur rouge, quant à elle, incarne le bonheur et la pureté. Ces croyances sont fortement présentes dans la Cité interdite où, plus exactement, la Cité pourpre interdite. Cette ville dans la ville a abrité 24 empereurs depuis son inauguration en 1420. Et c'est depuis le balcon surplombant l'une des quatre portes d'entrée de cette demeure impériale, que Mao Tsé-toung proclama la République populaire de Chine un certain 1er octobre 1949. Pour mieux se rapprocher de la béatitude, le concepteur de la cité a décidé d'y élever 999 chambres. Les bâtiments sont des maisons à l'aspect traditionnel, mais réalisés dans un gigantisme impérial. Ils portent des noms tous synonymes de pureté, de longévité, d'harmonie et de tranquillité. Devant la porte nord de la cité, des centaines de touristes tentent d'accéder à l'intérieur de la cour. Il faut s'armer d'une grande patience pour échapper à la nuée de marchands qui proposent photos et brochures, toutes relatives à la Cité interdite et écrite dans toutes les langues. L'immensité des lieux engloutissait cette marée humaine infinie et réduisait le vacarme en doux chuchotements, bercée par une musique d'ambiance qui emplissait les moindre recoins de la cité, autrefois interdite. Par la même porte du nord, nous débouchons sur la Paix céleste ! L'endroit est si vaste qu'il vous éblouit par son immensité et sa charge historique. Depuis quelque temps, son nom s'écrit aussi au présent, au nom sacré de la liberté. Il s'agit évidemment de la place Tian'anmen, l'une des plus grandes au monde. Elle a le privilège d'unir la ville entre ses symboles du passé impérial, à l'image de la Cité interdite et de ses monuments communistes d'aujourd'hui, tels le palais de l'Assemblée du peuple, le mausolée de Mao Tsé-toung et le musée historique U, un autre monument dédié au triomphe du peuple communiste, trône au milieu de la place. Des véhicules de la police entourent les lieux : le stationnement de voitures n'est pas autorisé. Debout, accrochés aux balises de sécurité, nous suivons le déambulement de la foule, qui, peu à peu, s'évanouit dans le brouillard permanent de Pékin.Pour la dernière fois, Mme Wang nous tire de nos rêveries. Elle nous rappelle que l'heure de notre vol est imminent.


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