Une première dans les annales judiciaires algériennes. Suite à une plainte déposée par le ministère de l'Habitat, une action en justice a été enclenchée pour « rechercher et situer d'éventuelles responsabilités humaines » dans une catastrophe naturelle. Après quatre années d'investigations, entre enquêtes des services de sécurité et instruction judiciaire, un procès a été ouvert le 26 juin 2007 pour juger 38 cadres, travailleurs, ingénieurs, architectes et entrepreneurs accusés d'avoir eu une responsabilité dans les dégâts provoqués par le séisme de mai 2003. Poursuivis pour « homicide involontaire, fraude sur la qualité et la quantité des matériaux de construction, le non-respect des règles de construction et de la réglementation », 27 accusés ont écopé d'une peine de 2 ans de prison ferme tandis qu'un autre a été condamné, par contumace, à 3 années de prison ferme. Ce dernier (Abdelkader H.) a été déclaré « en fuite ». Les 10 autres accusés, dont des ex-responsables d'entreprises publiques comme l'OPGI, la SNTF, l'EPLF de Boumerdès, et un promoteur privé ont été simplement acquittés. La justice a ainsi choisi de condamner à des peines « lourdes », comme ont dit les avocats, les intervenants directs dans l'acte de bâtir comme les techniciens du CTC, les entrepreneurs et les employés des bureaux d'études, épargnant les maîtres d'ouvrage. Le verdict a été autant controversé que le procès lui-même. Les observateurs étaient dès le début sceptiques et prédisaient un « procès à la Khalifa » où seuls les lampistes paieraient pour les erreurs des « chefs ». « Pourquoi est-ce le ministère de l'Habitat qui dépose plainte ? C'est plutôt le ministère qui devrait être poursuivi pour n'avoir pas pris au sérieux le zonage sismique. Car, dans beaucoup de cas, même si les normes avaient été totalement respectées, les bâtisses se seraient effondrées, selon des témoignages de nombreux experts présents au procès », ont dit les avocats des accusés. Le procureur avait, pour rappel, requis les peines maximales prévues par la loi à l'encontre de la quasi-totalité des accusés. Non satisfait du verdict, tout comme les accusés condamnés, il fera appel. Si sur le plan pédagogique le fait de juger des intervenants dans la construction s'est avéré plus que bénéfique, dans le strict domaine judiciaire, l'action s'est avérée très superficielle. Le procès devait être celui de l'Etat qui a failli à ses devoirs : mauvaise classification des zones sismiques malgré l'existence d'études et d'écrits scientifiques édifiants datant de l'ère coloniale, importation de matériaux de construction (rond à béton et ciment) de très mauvaise qualité et qui s'étaient avérés d'une dangerosité fatale, l'absence d'un organe de contrôle ayant des pouvoirs répressifs s'agissant du non-respect des normes, le CTC n'ayant qu'un rôle consultatif et autres lacunes. Le procès en appel est attendu pour cet été suite à l'appel introduit par le parquet et les condamnés et des victimes du séisme cherchent d'ores et déjà à s'organiser « en association ou en collectif afin d'avoir du poids et réclamer une application stricte de la loi », nous dit-on. L'on s'attend à un procès marathon au niveau de la même salle (salle de conférences de l'université), vu le nombre important d'accusés et de témoins. C'est d'ailleurs pour des contraintes d'espace que l'on attend à chaque fois que la salle des actes de l'université soit libérée (période des vacances) pour tenir les audiences.