Gilles Maugars, directeur général adjoint en charge de la technique et de l'informatique à TPS, explique pourquoi les détenteurs algériens de paraboles ne pouvaient plus accéder depuis le 16 novembre au bouquet de chaînes diffusées par TPS. La société française TPS assure la production, l'exploitation commerciale et la diffusion de chaînes de télévision et de services et, en qualité d'éditeur, assure l'acquisition de droits (cinéma, football...) et la production d'images. TPS a verrouillé le 16 novembre le bouquet de chaînes qu'il diffuse sur satellite. Pourquoi une telle mesure ? Contre quels téléspectateurs est-elle dirigée ? Les opérateurs de télévision à péage sont piratés dans le monde entier et nous nous devons de contrer régulièrement les pirates en prenant des mesures. TPS offre une gamme de chaînes par satellite assez vaste, destinée au marché français. Ces chaînes sont reçues au Maghreb à travers le piratage. C'est un état de fait. La première question qui se pose naturellement, c'est : pourquoi on se retrouve dans cette situation ? La structure audiovisuelle européenne, mais également du Maghreb ou du Moyen-Orient est organisée par contenu et par pays. Il y a des exceptions à cette règle avec des chaînes de télévision comme Eurosport, CNN qui ont une vocation européenne, voire mondiale, mais fondamentalement, toutes les chaînes nationales n'achètent en général leurs droits principaux (cinéma, sport, droits d'information ou documentaires) que pour leur pays et leur marché. L'offre TPS est constituée d'un certain nombre de chaînes qui n'ont pas le droit de se vendre à l'étranger. S'il devait y avoir vente, ce serait au même tarif qu'en France, car on ne peut différencier les prix. Or le tarif appliqué en France est relativement cher par rapport au revenu moyen en Algérie, - 35 euros par mois - pour une offre complémentaire de télévision. Notre mesure visait donc notre marché, mais étant donné la couverture de nos satellites, elle a nettement eu un impact sur le Maghreb. Quelle est l'ampleur du piratage du produit TPS ? Le piratage, c'est le fait de trouver une faille, un moyen ou un équipement technique pour récupérer le signal par un biais qui n'est pas officiel. Nous ne voulons pas qu'il y ait de piratage en France. Il y en a très peu du fait du contrôle exercé par le pouvoir judiciaire. Nous procédons régulièrement à des contre-mesures. Nous essayons également de promouvoir un message civique. Notre but n'est pas du tout de nous préoccuper de la réception en Algérie, puisque nous n'avons pas le droit d'y vendre nos prestations. L'Algérie ou le Maghreb ne sont pas directement la cible de TPS, mais nous ne pouvons pas complètement nous défausser, nous avons bien vu qu'à l'occasion de la coupure du 16 novembre la réception de TPS est une très forte problématique en Algérie. La coupure qu'on a faite n'était ni un changement de carte, - procédé coûteux - , comme l'a fait Canal Plus il y a deux, trois ans, ni une petite contre-mesure comme on en a fait souvent, c'était une mesure un peu plus importante. Cette mesure est-elle dissuasive, Quel est son intérêt ? Notre but est de vérifier qu'une fois qu'on a fait passer ce message aux pirates en France, les gens trouvent que le piratage est compliqué et s'abonnent. Ce qui vient de se passer a caractérisé un phénomène que tout le monde connaissait, c'est-à-dire que TPS est un vecteur très important de réception de programmes, en particulier en Algérie. L'ensemble du travail qui a été fait, en particulier dans la presse, va sans doute montrer dans les semaines qui viennent qu'on ne peut pas se contenter de dire que c'est un état de fait. Cela devient un phénomène de société, autant pour la France, puisque ce sont des programmes français, que pour l'ensemble du Maghreb, puisque l'audiovisuel est toujours un événement déterminant dans la vie quotidienne. Il serait dangereux de laisser la situation actuelle en l'état, car TPS va peut-être décider dans les mois qui viennent de prendre une mesure radicale. Ce n'est pas ce que nous avons décidé de faire, nous voulions simplement montrer que cela restait très compliqué de pirater. Quand on arrive comme en Afrique du Nord à trouver des magasins, qu'on n'hésite pas à se déplacer, cela peut paraître assez simple, en France, c'est très compliqué. Ce qui est possible en Algérie ne l'est pas en France. C'est un message qui nous va, mais il ne faudrait pas qu'on ait à prendre des mesures plus fortes sans avoir réglé ce qui est le mode de réception de la télévision en Afrique du Nord. Nous sommes prêts à participer à cette question. Mais encore une fois, on ne peut pas mettre TPS en clair, puisqu'on le vend en France, et on n'a pas le droit de le mettre sur un autre satellite vers l'Afrique du Nord. Y a-t-il une volonté commune de la France, des différents pays et des acteurs pour dire : ces programmes sont actuellement reçus, pourquoi en priver ceux qui les reçoivent et pourquoi ne pas les organiser correctement ? Il y a des interlocuteurs qui sont directement sur ce marché, c'est une vraie question à poser et TPS est très intéressé à ce qu'elle soit réglée. Il n'est dans l'intérêt de personne que la réception de TPS passe par quelque chose d'illégal. On pourrait connecter les abonnés à un téléphone avec une voix retour. On peut aussi imaginer que le satellite qu'on utilise ne desserve plus le Maghreb. Il faudrait que les pouvoirs publics s'intéressent à cette question. Nous sommes très demandeurs pour qu'il y ait un intérêt, nous allons le provoquer. Si je vous comprends bien, la réception du bouquet TPS au Maghreb dépend d'une décision des pouvoirs publics ? Je ne sais pas s'il faudrait une réflexion commune ou par pays, mais la logique serait, compte tenu du fait qu'il y a des satellites qui se sont installés spécifiquement pour cette zone géographique tels que Arabsat, qu'il y ait sur ces satellites un certain nombre de programmes privés ou publics, des chaînes thématiques avec les droits sur cette zone. Cela doit passer par un accord. Une fois que c'est organisé, il restera à régler la question des recettes. Il y a un cas symétrique, celui de la Belgique, un pays multilingue. En Belgique, il y a eu très rapidement un phénomène de captation de l'ensemble des chaînes des pays voisins. La Belgique a finalement organisé la diffusion de chaînes par un compromis. Je pense que cela vaut la peine d'avoir cette réflexion à partir de l'état de fait actuel qui est qu'il y a des chaînes qui sont déjà reçues et qui ne s'en offusquent pas. Il ne faut pas voir TPS comme le bras armé de la France pour couper la diffusion de ces programmes. Les pouvoirs publics sont plutôt ennuyés par le fait qu'une contre-mesure a eu un tel effet. TPS, en tant que société privée qui vend ses abonnements, est obligé à certains moments de changer les paramètres pour qu'il n'y ait pas de pirates en France.