La réinterprétation récente par Djamel Allem de la célèbre chanson « A yemma ouretsrou » (Ô mère ne pleure pas) de Farid Ali a remis en mémoire cet artiste au parcours singulier. Ali Khelifi pour l'état civil, il est né en 1919 au village Bounouh en Kabylie. Des conditions sociales difficiles, comme c'était le cas de l'écrasante majorité des Algériens, l'amènent à émigrer en France vers l'âge de 17 ans. Il exerce plusieurs métiers manuels dont celui de convoyeur. L'Europe est alors sur le point d'entamer la Seconde Guerre mondiale et en Espagne la guerre civile fait déjà rage. Le musicologue Mehenna Mahfoufi qui a étudié sa vie a rapporté le témoignage de feu Bessaoud Mohand Arab selon lequel Farid Ali aurait alors rejoint l'Espagne pour combattre dans les rangs des Brigades internationales (républicains de gauche) contre l'armée franquiste. Cette période de sa vie demeure imprécise mais il est certain qu'il retourna en France, probablement après 1936 (défaite des républicains espagnols) et qu'il entra en contact avec des chefs d'orchestre à Paris : Mohamed El Kamal, Mohamed Jamoussi et Misssoum avec lequel il entretiendra une relation très forte. Ils le poussent à persévérer dans son travail musical. En 1949, toujours selon Mahfoufi, il participe aux deux concerts de la salle Pleyel à Paris où Mohand Saïd Yala a réuni El Kamel, Jamoussi, Allaoua Zerrouki et les… Frères Baretto, artistes cubains. Farid Ali y exerce ses talents de « virtuose des claquettes » ! Dans les années cinquante, il profite de l'été pour aller chanter lors des fêtes familiales ou villageoises en Kabylie. Il participe en tant qu'acteur à des pièces de théâtre sur scène et radiodiffusées (vers 1957). Après des passages à la radio, il rejoint en 1958 la Troupe artistique du FLN qui parcourt le monde pour soutenir le combat nationaliste. C'est à ce moment qu'il crée la chanson « A yemma ouretsrou » et « Afus degfus » (Main dans la main), enregistrées en Yougoslavie et qui connaîtront une diffusion extraordinaire par le biais de la radio clandestine du FLN. Après l'indépendance, il rentre au pays et s'investit dans son art avant d'abandonner rapidement, déçu par l'orientation de "variétés" que prend alors la chanson. Il gère un café à Alger, en retrait de la vie artistique puis, en 1966, il retourne en France où il se rapproche des défenseurs de la culture berbère, dont Taos Amrouche. En 1970, il regagne Alger et participe à l'animation d'une émission à la Chaîne II de la radio, expérience qui ne dure que quelques mois. Il décède en 1981 des suites d'une longue maladie, laissant une quinzaine de chansons que Mahfoufi qualifie d'« œuvre nationaliste militante ».