Des dizaines de chercheurs algériens, d'experts dans les domaines scientifique et intellectuel du monde arabe, anglo-saxon et d'Europe, des membres du gouvernement, des députés et sénateurs ont pris part hier au colloque international organisé par le Conseil de la nation autour du thème : « L'Emir Abdelkader et les droits de l'homme, visions d'hier et d'aujourd'hui ». Ces personnalités venues de divers horizons sont invitées durant deux jours à faire des lectures pondérées des positions humaines dont s'est illustré l'Emir Abdelkader lors des discordes communautaires et religieuses à Damas. Des analyses qui feront, inévitablement, l'objet de comparaison avec la réalité d'aujourd'hui caractérisée dans la plupart des cas par la diversion religieuse, doctrinale et par l'intégrisme. Cette rencontre coïncide avec le bicentenaire de la naissance de l'Emir Abdelkader et le choix du sujet se veut un hommage au fondateur de l'Etat moderne algérien qui, le premier dans l'histoire contemporaine et plus d'un siècle avant la convention de Genève, a conçu et mis en pratique un arsenal juridique qui fonda les droits humains du captif et du vaincu en temps de guerre. De l'avis de Soheib Bencheikh, le monde arabo-musulman est accusé aujourd'hui d'avoir négligé en quelque sorte le travail, le combat et l'œuvre de l'Emir Abdelkader. « Nous n'avons pas mis en valeur la personnalité de l'Emir et de tous ceux qui appartiennent à cette sphère », a regretté M. Bencheik. Pour ce dernier, l'Emir appartient à l'humanité entière : arabe, musulman européen. Il était un homme qui respectait l'être humain quelles que soient sa culture et ses origines. Dans son intervention, Dr Boualem Bessaïeh, président du Conseil constitutionnel et également historien, a indiqué que l'Emir Abdelkader a été le précurseur des droits humains, à travers son engagement pour sauver 12 000 chrétiens à Damas en juillet 1860. L'orateur a révélé que lors des violences contre la minorité chrétienne à Damas en 1860, l'Emir a eu une vision politique d'une lucidité et d'une prémonition remarquables. Il a relevé que l'acte « héroïque » de l'Emir avait épargné à l'humanité une nouvelle série de croisades et le Moyen-Orient aurait alors sombré dans une cascade de violences sans fin. Car à ce moment-là, il n'y avait point d'autres recours, il n'y avait ni de société des nations et encore moins l'ONU, ni une Cour internationale de justice. « C'est ce déferlement de violences que l'Emir a stoppé », a-t-il tonné. Par ailleurs, dans les coulisses du Sénat, l'on murmure que ce séminaire a été organisé sur insistance du premier magistrat du pays qui avait invité, lors de son déplacement à Genève, les historiens et les experts algériens et autres à se pencher sur l'étude et l'analyse de la personnalité de l'Emir Abdelkader. D'ailleurs, dans un message adressé aux participants, le président de la République fera remarquer que l'Emir a été à l'origine de la naissance des droits humains internationaux. Le chef de l'Etat a précisé que l'Emir a promulgué en 1843 un décret national fixant les droits des prisonniers de guerre, préfigurant ainsi dans la Convention de Genève en 1864.