« Nous avons perdu une bonne partie de nos marins, ils ont préféré abandonner le port de Stora pour aller gagner leur vie ailleurs, à El Kala, à Annaba... Certains sont partis jusqu'à Alger. A Skikda, les temps sont devenus durs et la ressource rare, sans parler des contraintes administratives qui nous rendent la vie plus difficile encore. » C'est aâmi Ahmed, l'un des plus anciens marins pêcheurs de Stora, qui a tenu à intervenir en premier et inaugurer ainsi un débat improvisé avec quelques marins pêcheurs de Stora. Il ajoutera : « Je n'ai pas navigué voilà déjà une année. Une année de disette, alors que la pêche est ma seule ressource. Mon embarcation est à l'arrêt, ce qui a obligé un de mes fils à partir embarquer au port de Annaba afin de nous permettre à moi et à ses frères de subsister. » La situation que vit aâmi Ahmed est identique à celle de dizaines d'autres marins pêcheurs. Ils vivent presque tous un grand dilemme qui ne cesse pas de les ruiner et de les décourager. L'essence de leurs maux réside, selon leurs déclarations, dans le fait qu'ils doivent beaucoup d'argent, à titre de cotisation, à la CNAS gens de la mer. « A Stora, ils sont plus de dix partons de pêche qui doivent à la CNAS entre 10 et 20 millions de centimes. A El Marsa, ils sont plus d'une cinquantaine », dira le président de l'association des marins pêcheurs de Stora. Ne pouvant pas honorer ces dettes, encore moins bénéficier d'un échéancier de payement, ils ont alors été automatiquement empêchés de bénéficier d'un rôle d'embarcation. Une pièce indispensable sans laquelle ils ne peuvent pas prendre la mer. Ils accusent : « Nous nous sommes déplacés à maintes reprises à Alger où se trouve l'unique siège des gens de la mer et nous avons tenté d'obtenir un échéancier de payement en avançant des garanties concrètes, mais nous n'avons eu aucun écho. On ne nous accorde pas le bénéfice du doute, alors que dans le temps, nous avions toujours payé nos cotisations », a tenu à déclarer le président de l'association des marins pêcheurs de Stora, enchaînant : « Ces problèmes avec la CNAS sont apparus il y a seulement 5 ans. Avant, on arrivait à payer parce qu'on travaillait convenablement. Malheureusement, aujourd'hui, le poisson se fait rare. Très rare même. » Il sera de suite appuyé par les autres marins et patrons de pêche : « C'est une réalité que nous vivons tous ici. Il ne faut pas oublier que nous sommes des saisonniers et nous vivons aux humeurs du temps et de la mer. Notre flottille est déjà assez vieille, et si en plus la ressource se raréfie, c'est une catastrophe pour le métier. Nous ne pouvons pas payer puisque nous arrivons péniblement à ramasser quelques casiers. Il faut le dire, le poisson à Skikda a tendance à devenir une denrée rare. Il nous est arrivé de pêcher à 400 m de profondeur, mais sans rien trouver. Le poisson bleu est devenu une ressource introuvable alors que dans les années 1970-1980, on venait de l'Oranie pour pêcher à Skikda. » Ils imputent le phénomène à la pollution qu'engendrerait la plateforme pétrochimique et témoignent même qu'ils ont l'habitude de tomber, la nuit, sur des nappes étranges de produits chimiques. Ces marins, qui attendent toujours un bon geste qui leur permettrait de continuer à espérer, demandent essentiellement la décentralisation de la CNAS gens de la mer en argumentant : « S'il y avait eu un bureau local CNAS, nous aurions certainement réussi à trouver un consensus ou du moins gérer nos affaires rapidement. Il nous est difficile de régler nos problèmes quotidiens en nous déplaçant à chaque fois à Alger. »