La dernière session disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) aura lieu le 21 juin, a-t-on appris de source judiciaire. A l'ordre du jour, l'examen d'une vingtaine de dossiers de magistrats déférés à cette instance et qui étaient pendants depuis 2000. Selon nos sources, cette session, qui va clôturer l'année judiciaire de 2007-2008, est quelque peu particulière parce qu'elle aura à statuer sur le cas de neuf magistrats, dont les deux chefs de cour de Tébessa, impliqués dans une affaire des plus révélatrices en matière de connexion des juges avec le milieux d'affaires suspicieux qui avaient pignon sur rue à Tébessa. L'affaire a commencé avec une banale plainte déposée par un entrepreneur de Bir El Ater contre (son ex-associé) l'ex-président de la chambre de commerce, M. Guerboussi, pour un chèque sans provision. Les deux parties en conflit, ayant chacune ses relais au niveau de la cour de Tébessa et de ses tribunaux, faisait tout pour traiter l'affaire en dehors de la justice à travers le marchandage et les pots de vin. Le scandale a pris de l'ampleur puisque même des responsables au niveau du ministère auraient été éclaboussés. C'était pourtant la période où Ahmed Ouyahia, alors ministre de la Justice, menait sa campagne « mains propres » au sein de l'administration judiciaire et qui s'est terminée par la suspension de nombreux magistrats, entre chefs de cour, conseillers et simples juges, et ce, pendant des mois, avant que certains ne soient réhabilités et d'autres réintégrés par la force de la loi. A Tébessa, il aura fallu attendre les changements à la tête de la chancellerie pour ouvrir une enquête qui a abouti à la relève du procureur général et du président de la cour, alors que sept magistrats, entre conseillers, procureurs, procureurs adjoints, présidents de chambre et juges d'instruction, ont été déférés devant le CSM pour fautes graves. Ainsi, le conseil devra, après 8 ans, statuer sur ce scandale. D'autres dossiers, datant de la période 2002-2007, seront également examinés et vont de la simple faute professionnelle jusqu'à l'abus d'autorité et la faute grave, en passant par le non-respect de l'obligation de réserve. Selon nos sources, il est probable que d'autres dossiers de l'année en cours puissent être ajoutés au programme de cette session extraordinaire. Il est important de rappeler que depuis l'installation officielle du CSM en août 2005 par le président Bouteflika, une dizaine de sessions disciplinaires ont été tenues. Quatre ont eu lieu entre septembre 2005 et juin 2006 et ont permis l'examen d'une soixantaine de dossiers. La majorité des magistrats concernés ont fait l'objet de sanctions allant du blâme jusqu'à la rétrogradation. Tout y est dans les accusations. Cela va de l'abus d'autorité jusqu'au manquement à l'obligation de réserve, en passant par la corruption et les fautes professionnelles. Durant l'année judiciaire 2007-2008, marquée par le renouvellement de la composante du CSM et l'installation de Kaddour Berraja (ancien procureur général près la cour d'Alger et membre du CSM) en tant que premier président de la Cour suprême, le CSM a tenu déjà quatre sessions disciplinaires. La première, reportée par deux fois, a eu lieu au début du mois de janvier pour examiner les dossiers de 18 magistrats déférés devant l'instance. La session est tenue 20 jours après l'installation du bureau permanent chargé de la gestion de la carrière des magistrats auquel la corporation a de tout temps appelé. Une moyenne de 12 à 20 dossiers sont ainsi traités durant les deux autres sessions, alors que le programme de la quatrième a concerné 17 dossiers. A l'issue de celle-ci, 12 magistrats ont été révoqués pour fautes graves, dont celles liées à la corruption ou au non-respect de l'obligation de réserve. Deux mises à la retraite d'office, deux relaxes et une mutation ont été également décidées par le CSM. Le premier président de la Cour suprême, Kaddour Berraja, qui préside la session disciplinaire, a déclaré que la majorité des dossiers étaient pendants depuis 1998. Pour lui, des sessions disciplinaires ordinaires et extraordinaires étaient nécessaires « pour traiter le volume important des anciens dossiers, parmi lesquels certains concernent des magistrats en détention, d'autres poursuivis pénalement ou ayant purgé une peine de prison ».