Acte II dans l'affaire Habiba K., jeune femme en sursis, le verdict la concernant est reporté pour « complément d'information ». Elle comparaissait hier devant le tribunal de Tiaret pour « prêche d'un culte non musulman sans autorisation ». La médiatisation de son problème y est vraisemblablement pour quelque chose dans cet ajournement, le juge ayant préféré laisser « passer l'orage » avant de se prononcer sur une affaire qui a troublé l'opinion publique nationale et suscité la réprobation internationale. Car Habiba K. ne pouvait être arrêtée et jugée puisque la détention d'exemplaires de la Bible n'est pas passible de la loi algérienne. Mieux encore, elle est sous la protection de la Constitution, du Pacte international des droits civils et politiques et de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ratifiés par l'Algérie — bien qu'avec des réserves — ces textes fondamentaux ont fixé la liberté pour chaque individu d'embrasser la religion qu'il veut. Ils se substituent à tout texte qui restreint la liberté de culte. C'est sur un tout autre problème qu'a légiféré l'APN l'année dernière : le prosélytisme. Il fallait contrer les évangélistes de l'Eglise protestante agissant d'une manière dangereuse. Pour ce faire, il a été interdit l'exercice de tout culte non musulman non autorisé par les autorités. Et c'est en vertu de ce texte que le même tribunal de Tiaret a requis deux ans de prison ferme contre six jeunes convertis accusés « d'exercice illégal de culte non musulman ». Il y a donc manifestement mélange des genres entre les deux situations, Habiba K. s'étant vu appliquer la loi punissant le prosélytisme alors que les exemplaires de la Bible en sa possession étaient destinés à son usage exclusif et donc non passible de poursuites. Sauf s'il est établi le contraire, sans parti pris ni préjugés. En attendant, cette jeune femme a le même statut que les milliers d'autres chrétiens d'Algérie qui pratiquent leur foi sans entraves. Majoritaires, les catholiques ont à leur disposition un certain nombre d'églises coiffées par l'archevêché d'Alger et c'est avec émotion que l'Algérie a vu partir à la retraite Mgr Teissier digne remplaçant de Mgr Duval. L'amalgame rencontré au tribunal de Tiaret trouve son explication dans le bâclage de l'affaire par la gendarmerie et les juges. Il exacerbe le climat général d'intolérance dans lequel baigne l'Algérie depuis quelque temps, revêtant par endroits, des formes violentes et dangereuses, comme au M'zab où le rite ibadite a été récemment pris pour cible. çà et là, dans le pays, s'enregistrent des atteintes aux libertés individuelles, la plupart du temps par des individus ou des associations s'autoproclamant détenteurs de la « légitimité religieuse ». Comme au temps de l'ex-FIS, lorsqu'il suffisait d'exhiber barbe et kamis pour faire la loi. Et il se trouve encore des autorités officielles pour avaliser ce diktat, lui trouver des circonstances atténuantes, le banaliser ou l'excuser. Il est temps de stopper toutes ces dérives, la première étant la limitation de la liberté de culte. Celle-ci ne peut être dissociée de toutes les autres libertés individuelles.