On la croyait perdue, oubliée dans les méandres des événements qu'a connus le pays depuis des décennies, plus exactement depuis octobre 1988. La voilà qui resurgit d'on ne sait où, cette fameuse « main de l'étranger » et qui serait derrière les émeutes de Berriane, à en croire le ministre de l'Intérieur. Pourquoi ne serait-elle pas, aussi, derrière celles d'Oran, de Chlef et d'ailleurs ? La ville de Berriane se prêterait-elle davantage à la manipulation que d'autres localités ? D'autant qu'on laisse croire que tous les ingrédients sont réunis pour une explosion sociale. La commission d'information – et non d'enquête – parlementaire est arrivée, elle, à d'autres conclusions, à savoir que les raisons de la grogne sociale exigent une intervention de l'Etat. Décidément, on ne sait vraiment pas à quel marabout se vouer. On se croirait revenir aux « années de plomb », à l'ère du « parti unique » des années 70. Autant d'économistes du XVIIIe siècle ont voulu accréditer la thèse de la « main invisible » qui régirait les rapports d'échanges entre les individus et qui serait à l'origine de la richesse des nations ; autant, chez nous, la « main de l'étranger » serait, par contre, à l'origine de toute émeute, de toute contestation populaire. Outre ces particularités destructrices, les gouvernants algériens ont recours et de façon éculée à cette excroissance de l'étranger pour écarter le ras-le-bol, la malvie comme facteurs déclenchant de la colère des citoyens. Une simple adresse email, retrouvée sur un ordinateur portable, suffit à brandir le vieil épouvantail du « complot ourdi » à partir de l'étranger. Des ennemis extérieurs qui guetteraient la moindre liste contestée d'attribution de logements, le moindre match de football perdu pour fomenter aussitôt un mouvement de foule qui saccagerait tout sur son passage, édifices publics, sièges de banques… On ne pourrait trouver meilleur moyen pour susciter chez les gens méfiance et suspicion. Des conditions qui sont souvent le prélude à une « chasse aux sorcières ». Complot de l'étranger, prosélytisme protestant, autant d'épouvantails agités pour provoquer peur et méfiance parmi les citoyens et attiser davantage chez eux le refus de la différence et de vivre ensemble, alors que les causes de ce profond malaise social sont ailleurs : dans la dégradation des conditions de vie de la grande majorité des Algériens.