Rien n'y fait : les bouchers n'ont pas chômé et les grill-rooms des Cinq Maisons tournaient à plein régime durant les quelques jours de la grève organisée par les vétérinaires de la Fonction publique. La menace est-elle pour autant levée ? « Même les autres jours, le contrôle ne s'effectuait pas et la menace sur la santé publique plane toujours », tranche Ahmed. Pas dupe, le septuagénaire, rencontré au marché Rédha Houhou, assure que les quelques jours de débrayage ne feront qu'aggraver encore plus la situation. A la périphérie d'Alger où le contrôle n'a jamais été rigoureux, ces phénomènes prennent de l'ampleur. A Belouadi, Gacem ou Ronda, on trouve plusieurs poulaillers où les commerçants s'approvisionnent. « Les gens achètent chez des producteurs locaux auxquels ils font confiance, l'intervention des vétérinaires n'est guère effective puisque l'abattage de ces animaux se fait pour place, d'où d'ailleurs le risque élevé sur les consommateurs », relève Yazid, originaire du quartier Nezali à Sidi Moussa, affirmant que le prix du poulet qui était de 160 DA a baissé de 200 DA. Mais tous y trouvent leur compte et le vendeur et le consommateur. Les bouchers du marché central de Baraki achètent chez des éleveurs de viande rouge, qu'ils revendent ensuite à seulement 480 DA et la demande reste toujours élevée, même lors des journées de grève. Plus loin encore, au marché Djermati à El Harrach et dans les espaces de vente à Boumati ou dans les ruelles voisines du marché D15, l'habitude d'acheter chez les épiciers reconvertis en marchands de viande rouge persiste. Les appréhensions ici concernent la viande bovine et non ovine. Les bouchers d'El Harrach, pour la plupart originaires des hauteurs de l'est d'Alger, ramènent de la viande de chez les éleveurs de Tablat, qui savent bien « engraisser leur cheptel ». Là, se trouvent les hangars de la Direction des services agricoles (DSA) qui « veille au grain ». Au marché Rédha Houhou à Alger-centre où encore plus loin au marché Ali Mellah, tous les couloirs réservés aux viandes sont restés ouverts. Les viscères pendillent et la viande hachée n'a pas déserté les frigos ouverts aux quatre vents. C'est là que s'opère le plus gros du travail des gens de la DCP et c'est là aussi que le scandale de la vente de viande d'âne a éclaté. Chez les responsables, le ton est celui de la confiance. Aucune saisie n'est effectuée et donc pas de risques pour le consommateur. M. Lamari, directeur du commerce est catégorique : « Aucune saisie n'a été faite par nos services durant les jours de grève. » Alors, comment peut-il expliquer la profusion de viande blanche ou rouge sur les étals des bouchers ou chez les gargotiers, alors que les abattoirs n'étaient pas ouverts. « Des abattages ont été faits avant le débrayage et les viandes qui étaient dans les chambres froides ont été distribuées », indique-t-il. Guère loquace, Sayad Djamel, chargé de l'organique au Syndicat national des médecins vétérinaires, fonctionnaires de l'administration publique (Snvfap), initiateur de la grève, relève que le travail du vétérinaire s'arrête à la porte des abattoirs. « Seuls les policiers peuvent contrôler l'illégalité de toute action », assène-t-il, en affirmant que c'est le statu quo et les autorités ne semblent pas décidées à revenir à de meilleurs sentiments. Il reste que la suspicion est partout. Elle ne s'arrête pas au gargotier de la rue Belouizdad qui affirme avoir un seul boucher chez qui il s'approvisionne, « les autres, lance-t-il, trichent et les vétérinaires et autres agents de contrôle n'y peuvent rien. » La reprise du travail de ces fonctionnaires sera pour aujouird'hui, mais les fraudes ne s'arrêteront pas pour autant à cette date.