Vigilance et méfiance s'observent, par contre, chez les consommateurs. «J'ai entendu parler de ce débrayage une semaine avant que cette corporation ne l'entame. J'ai demandé des détails à un voisin et il me l'a confirmé. Il m'a indiqué que le contrôle de la viande rouge ou blanche ne se fait plus durant cette période de grève. Alors, j'évite d'en acheter», nous dit Mohamed, un sexagénaire, rencontré hier, à la rue Hassiba. La crainte des clients est perceptible. Fatma-Zohra, âgée de 40 ans, tient un couffin dans sa main. Elle se dirige vers le marché Clauzel pour s'approvisionner en légumes et uniquement les légumes généralement connus pour accompagner les viandes pour la préparation du dîner de la fête religieuse de l'Achoura. Plus méfiante, elle nous révèle: «La grève est intervenue dans des circonstances particulières notamment la menace de la grippe aviaire mais aussi la fête religieuse de l'Achoura qui connaît une grande affluence des consommateurs sur les viandes. Heureusement que j'ai gardé un peu de viande du mouton d'El Aïd dans le congélateur que j'utiliserai pour préparer le dîner», lance-t-elle. Si pour la viande rouge, le constat révèle une baisse de la consommation durant cette période, le poulet, qui se trouve toujours sur les étals des bouchers et dont les prix avaient chuté jusqu'à 80 dinars le kilogramme, a quitté les assiettes des consommateurs. Ce n'est pas seulement à cause du débrayage des vétérinaires mais aussi par peur du virus de la grippe aviaire. «Depuis que les informations sur la grippe aviaire se sont répandues, je ne l'achète plus. Ma famille a renoncé à ces plats», dit un quadragénaire. Les marchés des viandes semblent être affectés par ce mouvement de grève. A l'issue d'une virée effectuée, hier, dans quelques boucheries de la capitale, l'on a constaté de visu que les étals sont garnis de viande. Les prix n'ont connu aucune hausse alors que d'habitude dans de telles occasions les prix flambent. Au contraire, des prix bas et accessibles. «Malgré que nous avons fait nos provisions pour toute la durée de la grève, le niveau des ventes n'est pas très élevé. La clientèle ne se bouscule pas pour en acheter», affirme un boucher avec sa blouse blanche de Belcourt. Il affirme, comme les autres vendeurs, que sa viande est contrôlée. Ce que confirme d'ailleurs le ministère de l'Agriculture. «Les viandes mises sur le marché sont rigoureusement contrôlées malgré la grève». «Les walis ont réquisitionné, conformément à leurs prérogatives, les vétérinaires dans les grandes villes pour effectuer normalement le contrôle des viandes rouges et blanches», précise à l'APS le directeur des services vétérinaires du ministère, M.Rachid Bougueddour. Selon lui, les résultats des contrôles effectués ces derniers jours n'ont révélé aucune anomalie. «Il n'y a aucun motif d'inquiétude à ce sujet», a-t-il insisté. La même source assure également que le contrôle vétérinaire des viandes se poursuit et se déroule normalement dans toute l'Algérie. Toutefois, du côté du syndicat de cette corporation, l'on avance le contraire. «Hormis un service minimum, toute la viande se trouvant sur les étals n'aura pas subi de contrôle préalable au niveau des abattoirs», affirme M. Hachimi, secrétaire général du syndicat des vétérinaires. Pour lui, il est impossible de savoir si effectivement cette viande a été contrôlée. Malgré cela, des clients continuent d'acheter de la viande. C'est le cas de Kamel, cadre dans une entreprise et père d'une famille. «Je ne me méfie pas du tout et j'achète comme d'habitude la viande. La grève pour moi n'a eu aucun effet sur le rythme de consommation de ma famille pour la simple raison qu'elle n'a pas été suffisamment médiatisée», estime-t-il. Il parle ici de la télévision qui «n'a pas fait état de ce débrayage». «De toute façon, 90% de la consommation de viande blanche viennent des abattages clandestins. Que les vétérinaires fassent grève ou pas, lecitoyen est toujours exposé au risque. Cela dit, il faut régler les problèmes de cette corporation pour ne pas compliquer davantage une situation déjà complexe», lâche ce quinquagénaire. En attendant, la grève des vétérinaires fonctionnaires de l'administration publique se poursuivra jusqu'à demain et connait un suivi important.