Sous la pression d'une facture pétrolière de plus en plus élevée et les impératifs écologiques imposés par l'Union européenne aux transporteurs aériens, Air France s'inquiète déjà des conséquences sur les compagnies européennes de l'extension prévue du système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre, prévu en 2011. L'espace d'un séminaire tenu avant-hier en son siège à Paris, la compagnie française, tout en exhibant toutes les prouesses réalisées pour la réduction des émissions en dioxyde de carbone (CO2) ainsi que la réduction des nuisances sonores, n'en pense pas moins que les directives de l'Union européenne imposant des quotas d'émissions de CO2 à toutes les compagnies européennes et étrangères à partir de 2011 « donneraient un avantage compétitif aux compagnies dont le hub est situé hors d'Europe ». Pour rappel, la Commission européenne avait présenté en décembre 2006 une proposition visant à inclure l'aviation civile dans le système d'échange ETS (European Emission Scheme) à partir de 2011. En imposant des quotas d'émissions de dioxyde de carbone à toutes les compagnies européennes et étrangères desservant l'Europe, les grandes compagnies comme Air France-KLM et British Airways auront à payer leurs droits à polluer à partir de 2011, dont 25% des droits dès la première année. Pour Jean-Cyril Spinetta, PDG d'Air France, « si le baril de pétrole se stabilise autour de 135 dollars durant toute l'année 2008, l'industrie aérienne aura à supporter un volume de dépenses supplémentaire de l'ordre de 99 milliards de dollars », d'où, estime-t-il, « statuer sur l'Europe ne fera que la part belle aux autres compagnies aériennes qui ne desservent pas l'Europe ». Le PDG d'Air France, pour qui « le défi du changement climatique s'impose à tous », estime que devant la cherté du kérosène, Air France, premier transporteur aérien du Vieux continent, n'a pas « besoin » de nouvelles taxes « discriminatoires » et qui menacent son équilibre financier ainsi que ceux des compagnies européennes soucieuses de préserver leur rentabilité. Traque aux consommations inutiles de carburants Le PDG d'Air France dit ne pas s'opposer à des mesures visant la réduction des effets de serre, mais conteste dans le projet européen l'effet multiplificateur de pollution dévolu à l'industrie aérienne, ainsi que la volonté de statuer sur l'Europe, tout en laissant les autres transporteurs hors d'Europe polluer à leur guise. Pour M. Spinetta, « il faut du temps pour racheter la totalité de ses émissions. D'où la nécessité, dit-il, de le faire progressivement, sinon cela s'apparenterait à de nouvelles taxations ». Mais si le PDG d'Air France s'est montré critique envers les directives de la commission européenne, il n'en demeure pas moins que pour lui « la rareté de l'énergie et l'augmentation des prix du pétrole sont une vertu écologique ». Les responsables d'Air France ont tour à tour exposé les multiples engagements de leur compagnie en faveur de l'environnement. Ainsi, il a été fait état, concernant les émissions de gaz carbonique, qu'entre 2000 et 2006, la modernisation de la flotte d'Air France a permis de diminuer de 12% la consommation de kérosène par passager. Renouveler la flotte de façon à faire voler des avions toujours plus performants est le premier levier d'Air France pour réduire l'impact de son activité sur l'environnement. Des investissements de l'ordre de 14 milliards d'euros sont consentis entre 1998 et 2012 afin de mettre en ligne des avions de dernière génération, indique-t-on. Selon Pierre Vellay, le directeur de la flotte d'Air France, l'âge moyen de la flotte en 2006 était de 7 ans. De même qu'il est fait état en ces temps de pétrole cher – où le kérosène représente le premier poste de coûts sur les vols long courrier avec 60% du chiffre d'affaires – de la « traque » de toutes les consommations inutiles de carburant telle la réduction de la masse de l'avion. Par conséquent, les responsables d'Air France disent passer à la loupe l'ensemble des équipements et du matériel de bord, depuis les verres en plastique jusqu'à la documentation papier des équipages en passant par les équipements de cabine ou encore le matériel de service. Selon l'Institut français de l'environnement (Ifen), l'aviation commerciale émet 2,5% des émissions mondiales de CO2 dues aux activités humaines. Un voyageur en avion émet ainsi environ 140 grammes de CO2 au kilomètre, contre 100 g/km pour un automobiliste en moyenne. Air France a mis au point un calculateur de CO2 permettant de calculer la consommation par passager sur un vol. « Une offre » de compensation est ainsi faite au client pour racheter une partie de CO2, afin, dit-on, de financer des ONG, tel Good Planet, dont Air France finance un projet de déforestation à Madagascar de 500 000 hectares pour un montant de 5 millions d'euros. Une simulation d'un aller-retour Alger-Paris-Alger indique que pour un voyage de 3220 km, 342 kg de CO2 sont dégagés, soit 1062 g de CO2 par passager et par km, pour une consommation de 4,3 litres de carburant par passager par 100 km. Pour un tel voyage, une compensation est proposée au client pour 5,13 euros.