Lorsqu' un haut responsable affirme publiquement être en possession de pièces mettant en cause une autorité quelconque ou tient des propos gravement accusateurs et compromettants, n'est-il pas du devoir de la justice de s'autosaisir pour vérifier la véracité de ses déclarations ? Qu'en est-il exactement ? Lorsqu'un haut responsable, ou toute autre personne, déclare publiquement être en possession de preuves qu'une infraction pénale a été commise, le parquet est habilité à ouvrir une enquête préliminaire ou une information judiciaire. Sur instruction ou réquisitoire du procureur de la République, la police judiciaire ou le juge d'instruction convoque l'intéressé pour confirmer ses déclarations publiques par un procès-verbal et remettre les documents à l'autorité judiciaire compétente. Mais l'opportunité des poursuites appartient au procureur de la République. Le procureur général et le ministre de la Justice sont habilités à donner des instructions écrites au parquet pour engager des poursuites. Par ailleurs, le devoir de toute personne qui détient des informations sur l'existence d'un crime ou délit est de le dénoncer et de remettre les preuves à l'autorité compétente. Dans ce genre de situation, le procureur préfère attendre le dépôt de plainte ou les instructions de la hiérarchie. Et on peut le comprendre. On se souvient des déclarations publiques du président du MSP sur l'existence de dossiers de corruption de nature à impliquer des responsables au sommet de l'Etat, qui s'est rétracté quelques jours plus tard. Comment voulez-vous, dans ce cas, faire endosser la responsabilité au seul procureur de la République qui est placé sous le contrôle étroit du parquet général et du ministère de la Justice ? La loi (code du commerce et code pénal) responsabilise les cadres dirigeants. Mais, quelle attitude peut adopter le parquet lorsque la décision à l'origine du fait incriminé a été prise sous l'effet d'une injonction politique ou administrative ? Lorsqu'une décision est prise par un fonctionnaire sur injonction, la responsabilité disciplinaire, administrative ou politique doit être imputée à ses supérieurs. Mais aucun fonctionnaire n'est tenu d'exécuter un ordre illégal. Lorsqu'il s'agit d'infraction pénale, la responsabilité est individuelle et personne ne peut se cacher derrière les injonctions de la hiérarchie. Selon vous, était-il moralement concevable et juridiquement possible qu'un responsable d'une entreprise publique limogé « paie » les frais d'une décision qu'il a exécutée sous pression ? Le responsable d'une entreprise publique doit travailler dans le respect des textes et des normes et atteindre les objectifs qui lui ont été fixés. En cas d'ordre illégal ou contraire aux objectifs assignés ou aux intérêts de l'entreprise, son devoir est de résister à la pression ou remettre sa démission. On n'oblige personne à être directeur général d'une entreprise publique. On affirme que le clientélisme et la cooptation sont des pratiques ancrées dans tous les rouages de l'Etat, y compris dans le choix des cadres responsables des EPE. Quelle parade, selon vous, peut-on adopter pour sortir de la logique du clientélisme et du népotisme. Le clientélisme n'est pas le monopole des pouvoirs publics. Il se généralise et touche même les partis politiques. Sans remettre en cause la compétence de la plupart des responsables, tout le monde sait que le premier critère est le lieu de naissance. Ce qui explique peut-être cette bataille de tranchées entre les partisans et les adversaires d'un troisième mandat. Il faut ajouter que la plupart des élus n'ont pas été choisis par les militants de leurs partis respectifs, mais par les chefs. Pour sortir de cette situation, il n'y a pas de solution miracle. Il faut tout simplement changer de système et ce n'est pas simple.