Près des deux tiers des Français (62 %) pensent que l'intégration des personnes d'origine étrangère se passe « mal », en matière d'emploi et de logement notamment. En même temps, les trois quarts (73 %) estiment qu'il faut aujourd'hui privilégier « le renforcement de l'intégration des étrangers dans le cadre d'une république laïque », 15 % seulement optant pour un modèle à l'américaine de « juxtaposition des communautés ». Ce sont les résultats d'un sondage Sofres réalisé pour le Parisien, Aujourd'hui en France et l'association Lire la politique présenté samedi matin par Brice Teinturier, directeur du département politique et opinion à TNS-Sofres, lors du colloque à l'Assemblée nationale sur « ces Français venus de loin. » Les discriminations à l'embauche ou au logement touchent massivement les jeunes nés en France de parents immigrés, particulièrement maghrébins. Les politiques d'intégration, menées depuis trente ans, n'ont pas produit les effets escomptés, relève le rapport que vient de publier le président de la Cour des comptes, Philippe Séguin (« L'Accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration », Cour des comptes, novembre 2004). Diagnostiquant ce qu'il appelle l'échec du « modèle français d'intégration », ce rapport constate que « la situation d'une bonne partie des populations issues de l'immigration la plus récente est plus que préoccupante. Outre qu'elle se traduit par des situations souvent indignes, elle est à l'origine de tensions sociales ou raciales graves, lourdes de menaces pour l'avenir. » Gérard Noiriel, directeur de recherche à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess), auteur de Gens d'ici venus d'ailleurs, souligne dans une interview à Libération que « les difficultés de la deuxième génération de l'immigration maghrébine ne tiennent pas à la population elle-même mais à la restructuration de nos sociétés. La mobilité sociale est mise à mal à cause du chômage structurel. Ceux qui sont issus de la seconde génération et dont les parents occupent les échelons les plus bas du marché du travail en souffrent... comme les classes populaires. Seulement, ils y sont surreprésentés ». L'historien ajoute qu'il y a toutefois « de nombreuses réussites : on le voit à Normale sup, dans les écoles de médecine... Une étude de l'Insee a montré que les immigrations marocaines et algériennes étaient très éclatées. Une fraction s'en sort très bien, une autre est à la dérive. Une autre étude de l'Insee, en 1990, souligne que les enfants des immigrants venus pendant les Trente Glorieuses sont proportionnellement plus nombreux que leurs parents à occuper des postes de cols blancs. Une autre différence par rapport à avant, c'est l'existence des cités à l'abandon », souligne encore Gérard Noiriel. Et il constate que « les processus d'intégration-assimilation passent par d'autres biais que les politiques, par l'identification à un modèle, par les mariages mixtes, etc. Souvent la première génération reste dans son entre-soi, peu visible. La deuxième veut ressembler aux autres et prend de la distance avec sa culture d'origine. La troisième est souvent dans la réappropriation. »