Les Entretiens de la Méditerranée associant plus de 200 experts, chefs d'entreprise, institutionnels et personnalités politiques des deux rives de la Méditerranée, réunis à Barcelone les 12 et 13 juin, sont considérés comme la première phase du nouveau partenariat préconisé par le projet d'Union pour la Méditerranée. La rencontre de Barcelone s'est concentrée sur quelques sujets cruciaux : la finance, l'agriculture, l'eau et l'énergie et la définition de projets qui seront présentés au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du 13 juillet à Paris consacré au projet d'Union pour la Méditerranée. Ni le timing ni le lieu de ces premiers entretiens, appelés à se reproduire annuellement et qui reviennent à l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMed) en partenariat avec l'Institut européen de la Méditerranée (IEMed) ne sont fortuits, a-t-il été relevé. Le timing intervient un mois avant le lancement de l'Union pour la Méditerranée. Le choix du lieu, Barcelone, est une « reconnaissance » que le processus du même nom a eu d'« importantes retombées » sur les pays des rives sud et est de la Méditerranée. « Ces retombées ont plus concerné la stabilisation des grands agrégats macroéconomiques, l'amélioration du climat des affaires, l'ouverture commerciale des économies des pays partenaires, mais également certaines avancées de la démocratie et de l'Etat de droit », ont indiqué les participants dans une synthèse des travaux de deux jours présentée par Radhi Meddeb, directeur général de l'IPEMed. Toutefois, « elles n'ont pas suffisamment touché ni le secteur privé ni la société civile ». Les pays du Sud sont « demandeurs de concertation, de définition commune des initiatives et des politiques », ils sont aussi « demandeurs d'institutionnalisation. Ils admettent de moins en moins que ce soient les fonctionnaires de Bruxelles qui définissent les politiques, qui rédigent les traités, qui décrètent les procédures et gèrent les budgets », est-il aussi affirmé. Les participants ont relevé que « la situation économique, sociale et géopolitique de la région a énormément changé depuis Barcelone 1995. Les offres de coopération se sont multipliées. L'Europe n'est plus en situation de monopole dans son offre de coopération avec les pays du Sud. La Chine est là, les pays du Golfe également ». Fervent défenseur du projet d'Union pour la Méditerranée, Jean-Louis Guigou, délégué général de l'IPEMed, sera plus explicite à ce propos. Il avance l'idée de « conscience de l'urgence », en soutenant que « si dans trente ans l'Union pour la Méditerranée ne se fait pas entre les pays européens et les pays arabes, alors ce sera le déclin pour l'Europe. Cette dernière perdra 80 millions d'habitants en 2040 et nous passerons de 22% du PIB mondial à 12% ». Et, « si des pays ont intérêt à faire l'Union pour la Méditerranée, ce ne sont pas tant les Arabes, mais les Européens ». « Les pays du Sud ont aussi un intérêt parce que ce sont des confettis dans la mondialisation. » « Imaginez 400 millions d'Européens et 400 millions d'Arabes en 2030-2040, nous représentons la plus grande région du monde. S'il n'y a pas cette alliance, nous sommes menacés. » Quelques idées-force et propositions ont émergé des différents ateliers de la rencontre. « Toute initiative nouvelle doit résulter d'une concertation Nord-Sud et ne plus être téléguidée du Nord vers le Sud au risque d'engendrer la démobilisation et le désenchantement » ; « il faut instaurer un minimum de règles communes en matière juridique ». « L'accent doit être mis de manière systématique sur la formation, y compris supérieure, dans les pays du Sud », « il est urgent d'améliorer la sécurité juridique des investissements dans les pays du Sud ». En ce qui concerne l'agriculture, face à « une crise alimentaire qui tue », a été préconisée une « coopération renforcée » dans l'organisation des filières de productions vivrières, la recherche et la lutte contre le réchauffement climatique pour augmenter l'efficacité de la production dans le Sud, à l'image de ce qui a été fait en Europe de l'Est. Ce même modèle pourrait être mis en œuvre pour la filière fruits et légumes afin d' « opérer une intégration forte » entre les pays des deux rives. Face à une dégradation généralisée de la sécurité alimentaire et des termes de l'échange, les représentants des pays du Sud interpellent les opérateurs privés et publics du Nord pour que de « nouvelles politiques » soient mises en œuvre « pour que les protections soient levées ». En matière d'énergie, les participants appellent les Etats à « déclarer régulièrement leurs prévisions d'offre et de demande » pour les différentes sources d'énergie, à « diversifier » les sources d'énergie, à « développer systématiquement les interconnexions électriques » entre les différentes parties de l'espace euro-méditerranéen et à établir de « véritables corridors énergétiques ». Une priorité pour le Sud, l'accès de tous à l'eau potable En matière de finances, une unanimité s'est dégagée sur le fait que « les pays du Sud n'ont pas besoin de ressources financières ; ils sont demandeurs de reconnaissance et d'amélioration de leurs capacités techniques et de gestion ». D'où la demande d'une « institution financière méditerranéenne » qui donnerait de la « cohérence » aux différentes initiatives privées et publiques lancées par les uns et les autres et qui serait un « signal politique fort » de la volonté de rapprochement des deux rives. « L'espace financier euro-méditerranéen sera défini comme une opportunité d'ouverture de nouveaux marchés mais une sécurité juridique est nécessaire. On ne peut parler d'espace financier commun sans règles de fonctionnement communes », a indiqué Miquel Roca, président de Roca Junyent Avocats Associés. En ce qui concerne l'eau, l'agriculture reste partout l'usage dominant de cette ressource. Il a été convenu que le réchauffement climatique introduira nécessairement de « nouveaux arbitrages » dans l'affectation de cette ressource et qu'il y a lieu d'« engager des programmes de recherche afin de se préparer à des mutations profondes » en la matière. Un consensus s'est dégagé pour dire que la « gestion à venir de l'eau soit celle de la demande plutôt que de l'offre », comme cela a été souvent le cas jusqu'à présent. Des « solutions innovantes doivent être testées et validées telles que la recharge des nappes souterraines et la sécurisation des systèmes existants ». Pour les représentants des pays du Sud, la priorité en matière d'eau est « l'accès de tous à l'eau potable et à l'assainissement », bien avant les préoccupations de dépollution et de protection de l'environnement.