Le président zimbabwéen continue à embarrasser ses propres amis et dans le même temps à s'opposer à toute proposition susceptible de faire baisser la tension actuelle dans le pays, née d'un processus électoral qui a connu plus de hauts que de bas. En ce sens et la proposition semblait faire consensus au plan international, l'ambassadeur zimbabwéen aux Nations unies a rejeté, hier, la demande du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, de reporter le second tour de l'élection présidentielle, prévu vendredi, malgré le retrait du chef de l'opposition. « Je ne sais pas pourquoi il est parvenu à cette conclusion », a déclaré l'ambassadeur Boniface Chidyausiku. « En tant que diplomate en chef de l'ONU, il ferait mieux d'entrer en contact avec le peuple, le gouvernement et les acteurs du Zimbabwe. Mais utiliser la tribune de New York pour demander un report du second tour, c'est n'importe quoi ! », a-t-il poursuivi. M. Ban avait estimé, lundi soir, qu'il y avait « trop de violences et d'intimidations » au Zimbabwe pour tenir une élection légitime. « Je déconseille fermement aux autorités de procéder au second tour vendredi. Cela ne ferait qu'approfondir les divisions dans le pays », avait-il indiqué. En ce qui le concerne le chef de l'opposition au Zimbabwe, Morgan Tsvangirai, plongé dans une forme d'exil en se réfugiant dans l'ambassade des Pays-Bas à Harare, il a jugé, hier, « impossible » la tenue d'un second tour de l'élection présidentielle tant que les « conditions actuelles » persisteront. « L'ONU ne peut que recommander de reporter l'élection, mais il est impossible de tenir des élections dans les conditions actuelles », a déclaré le chef du Mouvement pour le changement démocratique (MDC). M. Tsvangirai a renoncé, dimanche dernier, à participer au second tour de l'élection présidentielle, prévu vendredi, face au chef de l'Etat, Robert Mugabe, à cause de la flambée de violences contre ses partisans. Cette crise est même devenue une affaire internationale avec l'implication du Conseil de sécurité de l'ONU qui a condamné, lundi dernier, la campagne de violence et d'intimidation contre l'opposition au Zimbabwe, estimant qu'elle avait ruiné tout espoir qu'un 2e tour de la présidentielle puisse se tenir ce vendredi de manière libre et équitable. Dans une déclaration de compromis, adoptée à l'unanimité de ses 15 membres à l'issue d'âpres négociations, le Conseil « condamne la campagne de violence contre l'opposition politique à l'approche du second tour de l'élection présidentielle » au Zimbabwe. Il condamne également « le comportement du gouvernement qui a dénié à ses opposants politiques le droit de faire librement campagne ». Allant lui aussi dans le sens de la recommandation du secrétaire général, il a estimé que les violences et restrictions « ont rendu impossible la tenue d'une élection libre et équitable le 27 juin ». Les Occidentaux considèrent que la répression politique, le marasme économique et la crise humanitaire au Zimbabwe créent une situation de menace pour la paix et la sécurité internationale, entrant donc dans les compétences du Conseil. Le texte original de la déclaration était plus dur, affirmant notamment qu'en l'absence d'un second tour de la présidentielle libre et équitable, le futur gouvernement du Zimbabwe devait trouver sa base légitime dans les résultats du premier tour du 29 mars, remporté par le MDC. Mais un groupe de pays mené par l'Afrique du Sud et comprenant la Russie, la Chine, le Vietnam, la Libye et l'Indonésie estime qu'il s'agit d'une crise intérieure qui n'a pas à être débattue au Conseil et a de meilleures chances d'être réglée par une approche purement africaine et régionale. Face à un régime qui fait preuve d'intransigeance et de dureté dans ses positions, le chef de l'opposition s'est déclaré, lundi, prêt à des négociations à condition, a-t-il précisé, que les violences cessent. A l'inverse, le pouvoir, qui a appelé M. Tsvangirai à se remettre en course pour le deuxième tour, poursuit les préparatifs de cette échéance. C'est véritablement un dialogue de sourds.