Les négociations de paix intersoudanaises sur le Darfour (ouest du Soudan) qui ont repris samedi à Abuja sous l'égide de l'Union africaine (UA) et en présence de représentants de l'ONU, de l'Union européenne (UE) et des pays de la Ligue arabe, ont été interrompues lundi à cause d'une panne d'électricité. Est-ce la bonne excuse qui justifierait tous les retards ? Certainement pas, car l'ONU à titre d'exemple maintient son niveau d'alerte quant au risque de catastrophe humanitaire. Remarquons le distingo établi par l'organisation internationale et certains pays qui n'hésitent pas quant à eux à parler de génocide. Ce que récuse le Soudan qui en est accusé, ainsi que l'UA, très présente sur ce conflit malgré le manque pour ne pas dire l'absence de moyens. Les négociations réunissent des délégués du gouvernement soudanais et des deux principaux groupes armés d'opposition, le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) et le Mouvement de libération du Soudan (SLM), tous deux déjà représentés lors des deux précédentes sessions de négociations à Abuja. Au programme de la réunion figurent l'examen des récents développements au Darfour ainsi que le partage du pouvoir et des richesses, la démobilisation et la réintégration des combattants. « Nous espérons avoir conclu le 22 décembre », a indiqué Sam Ibok. Chef de la délégation nigériane aux pourparlers, Steve Owolabi, directeur du département Afrique au ministère des Affaires étrangères, s'est dit préoccupé par la violation des accords de cessez-le-feu. « Le Nigeria est très préoccupé par les informations sur un nouvel accès de violence qui a affecté la région du Darfour au cours des trois dernières semaines. Un tel développement est malvenu pour promouvoir la paix et la réconciliation », a-t-il souligné en lançant « un fervent appel à toutes les parties en conflit pour qu'elles rétablissent le calme ». Signe que les négociations d'Abuja seront « rudes », les parties soudanaises se sont mutuellement accusées de violation de l'accord dès l'ouverture de la réunion. « Nous pourrions changer de point de vue sur les pourparlers si les violations de cette ampleur se poursuivent », a averti le porte-parole du Mouvement de libération du Soudan (SLM), Bahar Ibrahim, peu après l'ouverture. « Le gouvernement doit retirer ses troupes sur les lignes qu'il occupait le jour de la signature de l'accord de N'Djamena », a déclaré pour sa part le porte-parole du JEM, Ahmed Tugod. Quant au porte-parole du gouvernement soudanais, Majzoub Al Khalifa Ahmed, il a qualifié cette requête de « non-sens » : « Nous devons au contraire déployer plus d'hommes pour ouvrir des routes, protéger la population et aider les secours humanitaires. » Les pourparlers d'Abuja doivent permettre de trouver une issue pacifique au conflit qui ravage la province du Darfour depuis février 2003 : il a fait à ce jour quelque 70 000 morts et plus d'un million de déplacés ou réfugiés, créant la pire crise humanitaire en cours dans le monde. Alors que l'impasse se prolonge, le gouvernement soudanais va proposer un système fédéral pour un règlement de cette crise, a annoncé son ministre des Affaires étrangères. Selon Moustafa Osmane Ismaïl, le système fédéral « permettera au Darfour d'avoir sa (propre) constitution ». Le gouvernement proposera également que « le gouvernement local (au Darfour) prenne en charge les affaires internes de la région et suggèrera une participation du Darfour au Conseil ministériel fédéral à travers une représentation proportionelle à sa population », a indiqué M. Ismaïl. Est-ce là une réelle volonté de sortie de crise, ou bien alors une manœuvre supplémentaire qui en provoquerait le retard ? Les représentants de l'UA ont en tout cas montré leur agacement et leur irritation, sans pour autant parler de mauvaise volonté. Il reste que des populations entières sont menacées dans leur existence.