Libérée mercredi par l'armée colombienne avec quatorze autres otages, dont trois Américains, après six ans de détention par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt est arrivée de Bogota avec sa famille hier après-midi à Paris, où elle a été accueillie par le président Sarkozy et son épouse, Carla Bruni. « J'attends ce moment depuis sept ans », a dit l'ex-otage des Farc en posant les pieds sur le sol français. « J'ai hâte d'être en France, j'ai hâte d'être chez moi », a-t-elle confié, peu après sa libération, mercredi. « Je veux embrasser le président Sarkozy pour lui dire que je l'admire et que je lui dois le fait d'être là aujourd'hui », a-t-elle dit. « Je voudrais embrasser le président Chirac et mon ami de toujours, (l'ancien Premier ministre) Dominique de Villepin, qui s'est battu pour les otages, pour nous tous », a-t-elle poursuivi. « C'est une histoire incroyable avec une fin heureuse », et « je veux venir en France pour remercier tous les Français et partager ce moment de bonheur avec eux. » L'ancienne sénatrice et candidate écologiste à l'élection présidentielle en Colombie, Ingrid Betancourt, avait été enlevée par les Farc le 23 février 2002. Ses enfants, Mélanie et Lorenzo Delloye, qui avaient alors 16 et 13 ans, étaient devenus le fer de lance de la mobilisation en France. Paris n'a pas participé à l'opération des services de renseignement de l'armée colombienne qui l'a libérée. « Dans cette opération, les Français n'ont pas pris part », a indiqué jeudi le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant. Dès son élection, Nicolas Sarkozy a fait de la libération d'Ingrid Betancourt une priorité, privilégiant l'action humanitaire et diplomatique. « Il n'y aurait pas eu de libération sans six ans d'acharnement », avance-t-on au Quai d'Orsay. La France avait un temps joué la carte des Farc par l'intermédiaire du président vénézuélien Hugo Chavez. A deux reprises, Nicolas Sarkozy avait envoyé des messages aux Farc leur demandant de libérer leurs otages. L'envoi d'un avion médicalisé pour rapatrier Ingrid Betancourt en avril 2008 s'est aussi soldé par un échec. Ingrid Betancourt est revenue hier, à Paris, sur l'opération de l'armée colombienne qui a permis sa libération et qu'elle a décrite d'« impeccable », d'« intelligente », alors que les hommes qui l'ont menée « n'étaient pas armés ». Ceci alors que des informations selon lesquelles les Farc auraient reçu une rançon en échange de sa libération et de celle des 14 autres otages circulent. Il reste que la guérilla colombienne est affaiblie et sur la défensive depuis la mort de ses principaux dirigeants et des captures et défections qui se sont multipliées dans ses rangs. Le 1er mars, Raúl Reyes, numéro 2 du mouvement, est tué lors d'un bombardement ciblé de l'aviation colombienne dans une base arrière de la guérilla située dans la jungle équatorienne. Quelques jours plus tard, Iván Ríos, un autre membre influent des Farc est assassiné par son chef de la sécurité. Le 26 mars, Pedro Antonio Marín alias Manuel Marulanda décède des suites d'une crise cardiaque, c'est le leader historique du mouvement depuis sa création le 27 mai 1964. Dans un entretien diffusé hier par Europe 1, l'ex-otage a été interrogée sur d'éventuelles « tortures, vexations et humiliations » pendant les six ans et demi passés aux mains des Farc dans la jungle colombienne. « Oui, elles ont existé », a-t-elle répondu, mais, « lorsque j'ai pris cet hélicoptère et que je me suis élevée au-dessus de cette jungle, je me suis dit à moi-même que ces détails sordides ne devaient pas être portés à la connaissance du public ». « J'ai eu les chaînes tout le temps, 24 heures sur 24, pendant trois ans », a-t-elle cependant précisé. Interrogée sur France 2 jeudi soir, Ingrid Betancourt avait expliqué qu'elle n'aurait pas infligé à un « animal, même pas à une plante » le traitement qu'elle avait reçu pendant sa détention. Lors d'une conférence de presse à Bogota peu avant, elle avait donné plus de précisions. « La mort est le compagnon le plus fidèle de l'otage », a-t-elle déclaré aux journalistes. « J'ai eu des expériences douloureuses (...) mais je ne veux pas en parler, maintenant c'est le temps du bonheur », avait-elle conclu.