Les spécialistes estiment que non seulement les textes ne sont pas conformes à la constitution, mais manquent également de clarté. Les litiges relatifs aux opérations d'expropriation pour cause d'utilité publique, entre les pouvoirs publics et le citoyen, demeurent encore intenses, et sont déterminés, dans la majorité des cas, par des contestations émanant de la personne expropriée devant les tribunaux de la juridiction administrative. Ces contentieux résident essentiellement dans la définition donnée à l'utilité publique par les deux parties, dès lors que, de l'avis de beaucoup de juristes et de géomètres experts fonciers, « les textes législatifs ne proposent aucun standard de jugement pour évaluer l'utilité publique ». Toutefois, indique Ahmed Benaïssa, président du conseil national de l'ordre des géomètres experts fonciers (OGEF), certains critères principaux sont pris en considération par les juges pour trancher sur les litiges qui leur sont soumis dans l'évaluation de l'effectivité de l'utilité publique, dont le critère financier consiste en les modalités de financement correspondant à une gestion raisonnable des deniers publics. Le décret 93-186 du 27 juillet 1993 qui vient déterminer les modalités d'application de la loi 91-11 du 27 avril 1991, fixant les règles relatives à l'expropriation, traite, entre autres, de l'enquête parcellaire, de l'évaluation des biens et des droits immobiliers, de leur cession, ainsi que du transfert de propriété. Beaucoup de juristes, qui se sont exprimés sur ce sujet, estiment que cette loi n'est pas vraiment conforme à la constitution, du moment qu'elle est dépourvue de règles de fond, manquant surtout de précision. Allant dans le détail, nos interlocuteurs, à l'image de maître Lamine Cheriet, n'approuvent pas le fait que l'administration ait entièrement le monopole concernant l'évaluation de l'utilité publique, qualifié d'abus de pouvoir de la part de l'Etat. « Pourquoi, s'interrogent-ils, n'y a-t-il pas d'autres parties qui puissent prendre part à cette décision ? », citant à titre d'exemple la société civile. La propriété, étant un droit inviolable, ne peut faire de ce fait l'objet de transfert pour utilité publique que sous la condition d'une indemnité juste et préalable. C'est la loi qui le dicte. Mais, précise sur ce point maître Lamine Cheriet, « certains citoyens cèdent leurs propriétés sans pour autant bénéficier, en contrepartie, d'une indemnité équitable, puisque la loi 91-11 du 27 avril 1991 est floue à ce sujet ». Selon ce juriste, l'administration utilise son pouvoir de coercition et oblige les citoyens à accepter, souvent contre leur gré, de céder leur propriété en vue de la réalisation d'un projet d'intérêt général. Des défaillances sont également à enregistrer, ajoute maître lamine Cheriet, dans le plan parcellaire et dans l'évaluation des biens et des droits immobiliers.