La gestion du foncier sombre dans un désordre accru dans la wilaya de Tizi Ouzou. Une grande partie du patrimoine foncier n'est pas identifiée, notamment dans les zones rurales. En revanche, cette situation rend la tâche difficile à la justice lors du règlement des litiges relatifs au foncier. Lors des journées d'étude organisées mercredi et jeudi derniers par l'ordre des avocats de la wilaya de Tizi Ouzou, le directeur de la conservation foncière a avancé des chiffres qui renseignent largement sur l'anarchie dans laquelle le foncier est géré. « Les opérations du cadastre du patrimoine foncier dans la wilaya de Tizi Ouzou ne touchent que 12 communes sur les 67 existantes », a-t-il dit avant d'ajouter : « Ces 12 communes ne sont cadastrées que partiellement ». Dans les zones rurales, le même responsable affirme que « ces dernières années, les propriétaires terriens privés s'intéressent de plus en plus à la régularisation de leurs parcelles ». Le nombre de titres de propriété sur les biens fonciers dans la wilaya que la conservation foncière a enregistrés est passé de près de 2000 titres en 2003 à 12 500 en 2005. Cette augmentation est motivée par le programme d'aide à l'auto-construction qui exige des postulants de présenter des titres de propriété. A cet égard, Me Maâchou, du barreau de Tizi Ouzou, mettra en avant la confusion générée par les retards enregistrés en matière de titrisation des terres des domaines privé et public : « Jusqu'à présent, la propriété n'est pas définie pour une grande partie du patrimoine foncier. En conséquence, des immeubles construits durant les années 1970 n'ont pas de titres de propriété ». L'avocat suggérera également que les dossiers d'expropriation soient traités par la justice et non par l'administration, car souvent cette dernière exproprie des particuliers pour des projets d'utilité publique mais les terres finissent par être détournées de leur vocation.Au plan juridique, la législation algérienne n'est pas en mesure de gérer les conflits en rapport avec le foncier. Ce constat est partagé par de nombreux juristes. Les avocats relèvent des contradictions qui caractérisent les multiples textes de loi régissant le litige foncier. De prime abord, le traitement que réserve la justice aux dossiers d'indemnisation dans les cas d'expropriation est largement contesté. Me Maâchou du barreau de Tizi Ouzou a révélé qu'« à maintes reprises, l'administration a exproprié des privés au détriment de la loi qui oblige l'administration à indemniser les expropriés au prix réel du marché ». Au chapitre des terres privées, Me Ould Chikh Cherifa estime qu'« en Kabylie, la plupart des terres privées n'ont pas de titre de propriété, ce qui contraint souvent la justice à recourir à des enquêtes pour déterminer le propriétaire authentique chaque fois que le terrain fait objet de litige ». En outre, elle dénoncera les dépassements enregistrés lors de la cadastration du patrimoine foncier. « Des cadres de l'Etat chargés de l'opération du cadastre ont transféré illégalement des propriétés publiques vers le privé », a-t-elle révélé. D'autres intervenants contestent la non-application des décisions de justice et dénoncent l'attitude des juges prenant souvent parti de l'administration au détriment du citoyen. Dans ses réponses au réquisitoire dressé par les avocats, la présidente de la chambre administrative près la cours de Tizi Ouzou soulèvera les contradictions qui caractérisent les textes juridiques en la matière. Concernant les indemnisations, la représentante de la justice refuse que « les indemnisations soient faites sur la base des prix du marché lorsque les expropriations ont été effectuées pour des projets d'utilité publique ».