Il y a trois ans, Safinez Bousbia, une jeune Algéro-Irlandaise, au cours d'une balade dans La Casbah, avait rencontré un musicien qui lui a parlé de ce temps où Algérois musulmans et juifs ont donné naissance à un style inusable. Après, tout va très vite. Elle réussit à relier les ponts entre ceux qui vivent toujours en Algérie ou en France, certains n'ayant plus touché d'instruments depuis longtemps. Elle tourne un film qui devait sortir cette année, mais qui ne sera prêt qu'au printemps 2009. Grâce au musicien Damon Albarn (lire entretien dans notre édition du 4 novembre 2006), un disque a été enregistré et paru en 2007 et le projet d'un deuxième album est en perspective. Depuis, la réalisatrice suit l'aventure de ce retour à la vie de ces musiciens. On fait la comparaison avec le Buena Vista Club ? Qu'est-ce que vous en pensez ? Je comprend pourquoi tout le monde compare, car c'est l'histoire de vieux musiciens qui se sont retrouvés après des années de séparation, mais je trouve qu'il y a un aspect musical, historique et social très différent. C'est une culture différente, mais c'est un honneur qu'ils soient comparés à ex, car c'est un très beau projet. Comment se passent les concerts et la découverte de ce style par le public ? C'est très contrasté. A Marseille, lors d'un concert organisé par un promoteur, trois jours avant on n'avait vendu que 200 places. On était un peu paniqué. Deux jours avant, l'organisateur me dit : « Ecoute, on va ouvrir la billetterie et on verra, sinon la salle sera vide. » Finalement, il y avait beaucoup de monde et même 200 personnes étaient à l'extérieur. Le concert, qui devait durer une heure et demie, a duré trois heures et demie. Le public est resté jusqu'à la fin, tout le monde était en larmes. Les spectateurs ont trouvé touchant de voir ces vieux sur scène. C'est assez magique comme show. En France, c'est peut-être parce qu'il y a le relationnel avec l'Algérie ? Ailleurs, l'effet n'est peut-être pas le même ? J'ai un exemple, en Angleterre, où seule une petite partie du public était algérienne, on a adoré. Mais le plus étonnant, c'était à Berlin en octobre 2007. Là, lors d'un festival et il n'y avait que des Allemands dans la salle, amateurs de world music. Après chaque morceau, on a assisté à des applaudissements polis de 30 secondes... Les musiciens ont paniqué, pensant que les gens n'avaient pas aimé. Mais à la fin, tout s'est déclenché, ils ont eu une standing-ovation de 15 minutes, c'était impressionnant. Pour la soirée à Lyon, il y a en première partie Idir. Y aura-t-il un moment en commun ? Non, apparemment, ce sera deux parties. Ils n'ont pas répété ensemble, mais on ne sait pas s'il n'y aura pas une surprise. Ils sont imprévisibles. Avec le recul, maintenant que cette grande aventure est sur les rails que vous a-t-elle apportée humainement ? Du recul, il y en a peu, je suis au montage de mon film 24 heures sur 24. C'est une expérience dure, mais si c'était à refaire, je la referai, car ce sont des personnes rares, ils ont un côté enfantin et gâté qui vous rend malade, mais vous ne pouvez pas dire non, ils sont trop adorables. Je n'ai jamais vécu en Algérie, mais sur l'aspect humain, j'ai une image très humaine de l'Algérie à travers eux. Après les événements tragiques qu'a vécus le pays, ils représentent une Algérie de partage. Le peu qu'ils ont, ils le donnent, alors que la plupart de ceux qui résident en Algérie vivent une misère terrible. Il n'y a pas de statut de l'artiste en Algérie. Ils sont d'une générosité incroyable.