Tout en promettant que l'Etat n'hésitera pas à faire face avec « force et vigueur aux résidus de la criminalité et du terrorisme », dans son discours prononcé à l'occasion du 5 Juillet, Bouteflika informe ces mêmes « résidus » qu'ils pourront toujours se rendre. Le chef de l'Etat invite les jeunes à « patienter » encore parce que le bien-être est « un chemin long et difficile qui requiert patience, mobilisation et solidarité et la conjugaison des efforts de tout un chacun ». Le président de la République va sans doute relancer de plus belle la polémique sur ce mariage forcé entre la lutte contre le terrorisme d'un côté, et l'ouverture en permanence des portes du repentir de l'autre. Dans son discours prononcé hier à l'occasion de la Fête nationale de l'indépendance, le chef de l'Etat a remis au goût du jour ce couplage politiquement difficile à vendre. Tout en promettant en effet que l'Etat n'hésitera pas à faire face avec « force et vigueur aux résidus de la criminalité et du terrorisme », Abdelaziz Bouteflika, informe ces mêmes « résidus » qu'ils pourront toujours se rendre. « (…) Qu'ils sachent également que les portes du pardon ne se fermeront jamais devant les jeunes, enfants de cette terre généreuse, qui font preuve d'une sincère volonté de se repentir », a-t-il précisé. Première conclusion : le fameux délai de grâce de six mois accordé aux terroristes en 2006 pour se rendre faute de quoi ils allaient subir le « seïf el hadjadj » n'était qu'un canular faussement dissuasif. Les portes de la repentance, comme l'ont prédit certains, « ne se fermeront jamais ». Advienne que pourra ! Le Président lance même un appel à « ces jeunes égarés » de retrouver la raison et revenir vers leurs familles et leur patrie afin de participer à l'édification de leur pays. Ces « égarés » qui s'éloignent, d'après lui, du Saint Coran et de la charia « s'enfoncent dans le mauvais chemin, d'autant qu'ils tentent de fourvoyer certains jeunes par des prêches mensongers, de les tromper par des paroles qui prônent des idées takfiristes et terroristes destructrices pour faire d'eux les ennemis de leurs familles et de leur pays et la source d'opprobre et de honte pour la religion et la nation ». Pour le président Bouteflika, seule la réconciliation nationale est à même « d'éteindre le feu de la discorde et resserrer les rangs des Algériens présentement et dans le futur ». Quid de ceux qui contestent sa démarche ? Ce sont juste « certaines voix sceptiques et des esprits sclérosés d'extrémistes qui tentent de remettre en cause cette initiative », affirme le Président. Aux jeunes : patience… Le discours d'hier du président de la République a en tout cas ce mérite d'être clair sur la question. La réconciliation nationale décriée, y compris par les terroristes eux-mêmes, est plus que jamais un dogme programmatique du Président qui se projette bien au-delà de 2009. « Nous n'allons pas revenir sur la mise en œuvre de ce processus dès lors que nous l'avons adopté avec la bénédiction du Tout-Puissant et le soutien indéfectible du peuple algérien qui l'a consacré par une majorité écrasante, suivant ainsi les préceptes de l'Islam, religion de tolérance », explique Bouteflika comme pour balayer d'un revers de la main des voix discordantes. Et de porter l'estocade à ceux qui doutent du succès de sa démarche en assénant : « Notre conviction quant à la justesse de la réconciliation nationale est forte et inébranlable dans un Etat de droit qui s'évertue à protéger les droits de l'homme, à promouvoir la démocratie dans son acception à la fois juste et innocente des accusations calomnieuses que des parties tendancieuses ou des organisations suspectes tentent de lui porter. » Bouteflika s'est ensuite employé à donner un contenu « concret » à sa réconciliation « au sein d'une société pacifiste et solidaire qui rejette le tribalisme, le régionalisme et le fanatisme religieux ». Cette réconciliation-là, ses résultats se concrétisent, d'après lui, « à travers un développement national global et équilibré, développement qui s'attelle à éliminer toutes les formes de disparité, de misère et d'exclusion et à réunir les conditions d'une vie digne pour tous les citoyens et citoyennes ». Tout un programme censé être mené depuis près d'une décennie et dont la non-exécution se trouve être le détonateur des émeutes sociales. Mais faute de mieux, le Président se contente de faire appel au bon sens de cette jeunesse en détresse : « J'exhorte les jeunes à adhérer, avec force et détermination, à la marche du développement national, à avoir confiance en eux-mêmes, en leur patrie et en leur avenir, à s'organiser, à saisir les opportunités qui se présentent et à œuvrer résolument à la réalisation de leurs ambitions légitimes. » Un aveu tout de même du chef de l'Etat : « Nous sommes conscients que les acquis réalisés demeurent en deçà de nos espérances et ne répondent pas à toutes les exigences urgentes de notre société. » Voilà qui prend à contre-pied les bilans démesurément triomphalistes de nos ministres. Le président Bouteflika invite ce faisant les jeunes à « patienter » encore parce que le bien-être est « un chemin long et difficile qui requiert patience, mobilisation et solidarité et la conjugaison des efforts de tout un chacun ».