Il était 14h30 hier quand le ballet des chefs d'Etat a commencé devant le portail principal du majestueux Grand Palais. L'une après l'autre, les belles voitures noires s'immobilisaient juste au bas de l'escalier. Paris (France). De notre envoyé spécial Le président Nicolas Sarkozy, tout sourire, et pour cause, accueille ses invités visiblement selon la tête et le portefeuille du client. Une simple poignée de main par-ci, une chaude accolade par là. En maître de cérémonie, Nicolas Sarkozy affiche un visage radieux d'avoir engrangé un incontestable succès diplomatique. Et il en sait gré à ceux qui ont rendu possible son projet et son show, même s'ils ont pris le soin de le dévitaliser. Mais qu'importe, son défi était d'ériger la France en carrefour de la Méditerranée, ne serait-ce que l'espace d'un sommet. Et il a brillamment réussi, du moins médiatiquement. Angela Merkel, la chancelière allemande qui a trituré la première mouture de l'UPM version Sarkozy, a eu droit à un accueil spécial sur le perron du palais. Tapes sur l'épaule, embrassades et autres accolades ont ponctué les chuchotements à l'oreille entre deux dirigeants, qui ne sont pas forcément sur la même longueur d'onde. Mais pour la photo de famille, cela suffisait à Sarkozy… Hosni Moubarak a eu droit aux mêmes égards de la part du président français, qui l'a invité à partager avec lui le comité d'accueil en sa qualité de coprésident du sommet. 14h55. Le président Bouteflika descend lentement de sa voiture. Sarkozy, visiblement ravi de le voir enfin à Paris, va à sa rencontre. Le président de la République affiche lui aussi un sourire et semble content de retrouver Moubarak, avec lequel il esquisse un petit échange avant de gagner la plénière. Puis vient le tour de Bachar Al Assad. Manifestement très mal à l'aise de se retrouver nez à nez avec Moubarak, le président syrien a tôt fait de disparaître vers la salle avant que Sarkozy ne le retienne pour lui dire quelques mots. Il y a sans doute de la tension dans l'air. S'ensuit l'arrivée sans histoires du président tunisien Benali, premier à applaudir sans réserve le projet de l'UPM. Grosses lunettes noires, sourire aux lèvres, Benali semblait parfaitement bien dans sa peau. Tel n'était pas le cas du prince marocain, Moulay Rachid, le visage fermé, qui a remis une serviette orange contenant la lettre d'excuse de son frère, le roi Mohammed VI. Le roi du Maroc, contrairement aux déclarations de Bernard Kouchner selon lesquelles les raisons de son absence « ne sont pas politiques », aurait décidé de zapper le sommet de Paris en apprenant que plusieurs capitales se disputaient le siège du secrétariat de l'UPM. Or, le président Sarkozy lui aurait promis, lors de sa visite à Tanger, que ce siège allait revenir à Rabat. C'est dire que derrière le faste déployé par Sarkozy et les bons points récoltés dans les médias, les premiers couacs commencent à se faire jour. A commencer par la non-participation de beaucoup de pays arabes, notamment l'Algérie, ce matin, au défilé du 14 juillet. Il y a aussi le fait qu'il n'y ait pas eu de photo de famille… désunie au terme du sommet. Le fait est que même dans le placement des chefs d'Etat dans la salle de réunion, soin a été pris d'opter pour l'ordre alphabétique qui a offert le confort d'éloigner à distance « respectable » les dirigeants arabes d'Ehud Olmert, ceinturé par les présidents des pays européens en guise de « mur de séparation ». Autant dire que les formes sont plus ou moins sauves.