La belle avenue des champs Elysées est, depuis hier, ornée de ses plus beaux atours. Aux couleurs de la France et de l'union européenne. Paris (France). De notre envoyé spécial La Méditerranée, elle, a droit à une immense affiche bleu-ciel, accrochée sur le portail principal du majestueux Grand Palais devant accueillir aujourd'hui les 44 chefs d'Etats et de gouvernement des pays arabes et ceux de l'Europe. Au milieu d'un dispositif de sécurité impressionnant et alerte, la célèbre avenue a connu hier un carrousel ininterrompu de voitures rutilantes à bord desquels certains dirigeants des pays invités – et pas d'autres – défilaient au bureau de Nicolas Sarkozy, à l'Elysée, histoire sans doute d'accorder les violons. Et à tout seigneur tout honneur, le président français accordera la primeur des conciliabules à son ami Hosni Moubarak, officiellement désigné comme coprésident du Sommet, à la table du déjeuner. A 15h, ce fut au tour du général Michel Sleiman, fraîchement proclamé président du Liban, de faire sa virée au palais de l'Elysée. Vers 17h, Sarkozy a reçu le moins désirable de ses illustres invités, le président syrien Bachar Al Assad. Bien que n'ayant pas bonne presse ici à Paris, le jeune chef d'Etat a été l'objet d'une traque de reporters venus en nombre à sa résidence au luxueux hôtel Intercontinental. Sarkozy, qui compte visiblement sur la « discipline » de Bachar Al Assad pour réussir son show d'aujourd'hui, l'a invité à assister tout se suite après les entretiens à une réunion de travail avec le président libanais – dont la Syrie ne reconnaît pas la souveraineté – sous les auspices de l'émir du Qatar, Cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani, guest star de Nicolas Sarkozy. Et oui, face au refus de la commission européenne de financer certains projets de la future UPM, le président français a pensé offrir les honneurs au Cheikh de venir assister au sommet à Paris moyennant quelques millions (ou milliards) de dollars… L'Emir du Qatar devait également servir de modérateur ou de médiateur, c'est selon, à de possibles poussées d'adrénaline de Bachar Al Assad ou son homologue libanais, Michel Sleiman. Voilà comment Sarkozy a manœuvré hier pour tenter d'étouffer la mésentente syro-libanaise. Et c'est exactement le même exercice qu'il livrera ce matin. A 10h15 tapantes, le président français recevra le premier ministre turque, Recep Tayyip Erdogan, au palais de l'Elysée. Ce sera, sans doute, un rabibochage de circonstance pour un Sarkozy qui n'a jamais caché son aversion pour une Turquie européenne. Mais première petite douche froide tout de même : la déclaration finale devant sanctionner le sommet de Paris devrait souligner expressément que le pays de l'AKP est « candidat à l'union européenne ». Dans sa volonté de coudre comme il se doit le sommet – son sommet –, Nicolas Sarkozy organisera ce matin, à 11h, une réunion de travail avec le président de l'autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le Premier ministre de « l'Etat d'Israël », Ehud Olmert, à l'Elysée. L'un des nœuds gordiens de ce sommet de l'union pour la Méditerranée, Sarkozy entend arracher quelques bonnes intentions à ses invités pour se mettre à l'abri d'une mini crise au… sommet. Et pour cause, dans la conférence de presse prévue ce soir à la fin du sommet, Sarkozy va clore son grand show par une tribune bien garnie aux côtés de son coprésident Hosni Moubarak, du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. C'est la totale quoi ! Les arabes fêteront le 14 Juillet à Paris… Fait curieux, en revanche le président Abdelaziz Bouteflika, qui a fait durer le suspense jusqu'au bout, n'aura pas droit – du moins dans le programme officiel du forum – à un tête-à-tête avec Sarkozy, au même titre d'ailleurs que ses homologues du Maroc et de la Tunisie. A la veille de cet important événement, le Maghreb est quasiment absent des activités officielles mis à part une participation évidente cet après-midi à la plénière. Ainsi, Bouteflika, Mohammed VI et Zine El Abidine Ben Ali ne semblent-ils pas trop concernés par les conciliabules et autres tractations que mène Sarkozy. Est-ce que cela sous-entend qu'ils sont dans la poche ? Mystère. Pourtant, les trois pays en plus de l'Espagne se disputent âprement le siège du secrétariat de l'UPM, qui sera décidé théoriquement aujourd'hui. Mais il se dit déjà que les questions qui fâchent pourraient fort bien être renvoyées à une réunion des ministres des affaires étrangères du processus Euromed prévue début novembre. Et cette histoire de siège fait partie des points de discorde, tout comme l'intitulé même du projet dont la France voudrait rayer la mention « processus de Barcelone ». Ces petites réunions préparatoires d'hier et d'aujourd'hui étaient justement destinées à lever, autant que faire se peut, les dernières barrières. A défaut, Nicolas Sarkozy ne prendrait pas le risque d'un coup de tonnerre dans un ciel parisien qu'il veut à tout prix serein. Surtout aujourd'hui. Et demain, il pourra fêter comme il se doit sa propre fête politique et diplomatique et accessoirement la fête nationale du 14 juillet. Et les Champs Elysées ne seront que plus beaux. Avec Bachar Al Assad, Bouteflika, Erdogan, Mahmoud Abbas et Olmert… C'est cela, quoi qu'il arrive, le plus grand succès du chef d'orchestre de l'UPM, largement salué par la presse ici à Paris, Nicolas Sarkozy.