La joute a tiré à sa fin. L'ère Sarkozy a bien débuté. En dépit du discours « rassembleur » prôné par le nouveau président, la France est divisée en deux : d'un côté celle qui fait la fête et de l'autre celle qui s'inquiète pour l'avenir. Paris. De notre envoyé spécial La situation est claire dès l'annonce, avant-hier, des résultats du deuxième tour de la présidentielle en France, remporté par le candidat de la droite avec 53,1% des suffrages. Dégoût et jouissance, lassitude et euphorie, émeute et fête… les Français ont savouré différemment la fin de cette élection. Retour sur les dernières heures du scrutin. La soirée électorale a commencé tôt pour les militants des deux candidats. Il est 17 h. Siège du Parti socialiste (PS). Des centaines de sympathisants de Ségolène Royal affluent vers la rue Solferino, située au cœur de Paris. Brandissant portrait de leur idole, drapeaux français et ballons rouge et blanc, couleurs du PS, les sympathisants de Ségolène Royal semblaient croire en la victoire. « On va gagner ! On va gagner ! » et « Ségolène président ! » fusent sans cesse de la foule massée devant le portail du siège. Jusque-là, les premières estimations ne sont pas connues et la candidate socialiste n'a pas perdu. A mesure que l'heure fatidique s'approche, la foule devient compacte et le suspense est à son paroxysme. « Je suis pour Ségolène. J'ai du mal à croire qu'elle va gagner, mais j'ai toujours de l'espoir », nous déclare, Ali, 35 ans, jeune d'origine comorienne. Le même sentiment est partagé par Franck Nieraad, 18 ans. Ce jeune militant du Mouvement de la jeunesse socialiste (MJS) se dit convaincu qu'« avec Nicolas Sarkozy les inégalités vont s'accentuer ». « Ségolène, en revanche, peut réaliser l'égalité des chances », affirme-t-il. Les premiers résultats tombent vers 17h30. Alors que les nombreux militants continuent de faire la fête dehors, les responsables du PS sont déjà déçus. Visage fermé, mine grise, ils rentrent au siège. Assaillis par les journalistes, ils refusent de faire de déclaration. Vers 19h, les jeux étaient déjà faits et tout le monde a accepté la réalité. Dans la rue Solferino, les partisans de Ségolène Royal attendent toujours. L'inquiétude de la banlieue Ils savent que leur candidate a perdu la bataille, mais ils ont tenu à la soutenir jusqu'au bout. La déception était encore plus grande chez les habitants de la banlieue. L'avant-goût de ce que sera la France version Sarkozy est donné quelques heures auparavant. Un dispositif de sécurité est, témoigne une jeune d'origine marocaine présente devant le siège du PS, déployé dans la banlieue parisienne. « Pour nous, c'est la fin du monde. Avant de venir ici, j'étais dans mon quartier et j'ai vu ces nombreux policiers envoyés spécialement pour quadriller nos quartiers. Pourquoi ils ont fait la même chose au centre de Paris », s'exclame-t-elle avant d'ajouter : « Ils vont nous traiter comme des bêtes. » La même inquiétude est partagée par Linda, une jeune d'origine tunisienne, étudiante en 1re année de journalisme. Avec des milliers de militants du PS, ces deux jeunes filles ont transformé la défaite de Ségolène Royal en une fête. L'on a, en fait, assisté à deux scènes : l'une, des jeunes du PS qui ne veulent pas déserter le siège avant de remercier et d'encourager la dame qui leur a permis de rêver pendant des mois, et l'autre, est une scène d'euphorie animée, place de la Concorde (à un kilomètre de la rue Solferino), par les partisans de Nicolas Sarkozy. Cependant, il y a une troisième scène, celle de l'émeute. Près de 5000 jeunes « anti-Sarkozy » se sont attaqués, place de la Bastille, à des policiers. Les échauffourées ont duré quelques heures. Résultat : des centaines de voitures brûlées. Il faut dire que la tension était à son paroxysme dans la capitale française durant toute la soirée de dimanche. Reste à savoir si le discours d'apaisement prononcé par le nouveau président réussira à réinstaurer le calme dans le pays.