Contacté, le secrétaire général du syndicat, M. Charef, a qualifié cette rencontre de « décisive et déterminante pour l'avenir professionnel du personnel navigant et celui au sol, actuellement en pleine déperdition du fait des opérations de privatisation du secteur du transport maritime de l'énergie ». Pour M. Charef, il est question « de tirer la sonnette d'alarme sur la situation catastrophique dans laquelle se trouve l'entreprise, et de revendiquer une reconsidération de la ressource humaine, à travers une meilleure revalorisation des salaires ». M. Charef a expliqué que la plateforme, qui sera présentée aujourd'hui aux dirigeants de Hyproc, a été longuement débattue par le personnel, qui a tenu plusieurs réunions dont la dernière a eu lieu hier en fin de journée. Ce document de plusieurs pages constitue, en fait, un état des lieux des plus critiques. « Le mécontentement général des états-majors algériens, ayant atteint la limite de rupture, n'a d'égal que notre décision à y mettre un terme définitif avec les vigueurs et rigueurs qui seront nécessaires (...) L'ensemble des solutions présentées par les bureaux d'audit étrangers, Ernest & Young, Shell… sont restées sans suite. Malgré ces échecs, des dizaines de postes de managers et autres sont maintenus avec une série d'avantages (...). La mise à l'écart progressive des états-majors algériens de l'entreprise dans les débats sur la réorganisation que Hyproc s'apprête à opérer est plus que dangereuse. Cette réorganisation forcée est devenue nécessaire après l'échec cuisant de la gestion ». Les syndicalistes ont tenu à préciser que la formation d'un commandant ou d'un chef-mécanicien sur les Tankers (LNG, LPG, etc.) nécessite un minimum de bac +5 et au moins 10 années de pratique à bord de ces navires en passant par les différents grades et en suivant également de nombreuses formations spécialisées imposées internationalement. Nos prévoyants dirigeants de l'époque de Boumediène, ont-ils ajouté, ont doté l'Algérie d'une flotte maritime de transport d'hydrocarbures importante et présente dans le marché mondial des armateurs tels Exxon, Shell, BP, Total, Statoil et bien d'autres importantes compagnies. « Cette place est maintenant perdue par la faute de certains gestionnaires qui ont petit à petit vidé la marine algérienne de ses cadres ou états-majors. Nous sommes commandants, chefs mécaniciens, seconds capitaines et seconds mécaniciens de ces unités vieillissantes. Il devient très difficile techniquement de transporter nos hydrocarbures vaille que vaille sans jamais rater une cargaison, au prix actuel de plus de 50 millions de dollars chacune. Pour rappel, le personnel étranger recruté par Hyproc n'est curieusement pas affecté sur ces vieilles unités. Pourquoi ? Nous n'en savons rien. Nous sommes mobilisés H24 avec du GNL à -162°C dans les 130 000 m3 des citernes sur lesquelles nous vivons, marchons et dormons stressés. Les chargements et déchargements se font à une moyenne de 10 000 m3/h ! Beau temps, mauvais temps, ces usines flottantes, les plus chères au monde, sont sous notre seule et unique responsabilité et Dieu merci, nous n'avons jamais connu de drame ni de grave accident. » hyproc menacée de disparition Dans la plateforme, les travailleurs ont exprimé leur regret de voir toutes les promesses d'améliorer leurs situations socioprofessionnelles rester sans suite. « Aujourd'hui, nos états-majors et nos officiers ont pratiquement déserté nos navires pour rejoindre les compagnies GNL NGSCo/Emirats, Qatar Gaz, Luxembourg et autres pour un meilleur salaire. Le ministre, Chakib Khelil, a pourtant ‘ordonné' à l'ex-PDG, lors de la réception du Super LNG Lalla Fatma N'Soumer, de veiller à ce que nos états-majors ne quittent pas nos navires en proposant un salaire décent aussi bien embarqué qu'en congé de récupération (...). Ces ordres sont restés lettre morte et cet état-major (parmi d'autres) est aujourd'hui au complet au service de NGSCo aux Emirats, sur leurs supers méthaniers. Il est regrettable de voir recruter à leur place des étrangers à des salaires universels pour des compétences de loin en deçà de celles des Algériens (...). Plus de 70% de nos hydrocarbures sont exportés via la mer. Il faudra bien des hommes pour exporter ces GNL/GPL produits à un rythme soutenu grâce aux nouveaux trains de reliquéfaction d'Arzew et de Skikda à destination de l'Europe, des USA et de l'Extrême-Orient. Ne serait-il pas avantageux d'avoir une Sonatrach aussi puissante sur terre que sur mer plutôt que de dépendre d'armateurs étrangers. Ce qui est hasardeux, dangereux voire fatal pour notre pays. » Plus grave, les auteurs de cette plateforme se sont demandé comment six méthaniers et trois GPLiers, dont les 4/5 sont quasiment hors service malgré les millions de dollars dépensés pour leur réfection dans les chantiers étrangers, peuvent-ils être encadrés par une entreprise de plus de 250 cadres et cadres supérieurs et plus de 400 travailleurs à terre ? Ils ont estimé qu'en pareille situation de gestion, « ce nombre de navires ne nécessite pas plus de 50 personnes du niveau de notre société algérienne, 20 personnes pour un niveau international. » « Comment une entreprise peut-elle prospérer ou concurrencer des sociétés internationales dans le ship-management & crewing lorsqu'elle n'a aucune politique de formation ni de relève pour ses quelques navires ? Comment une entreprise qui souffre déjà d'un sureffectif à terre se permet-elle encore (2007) une augmentation de +11% de son effectif (siège) lorsque l'effectif des marins enregistre une diminution de 1% et la flotte enregistre une opération de désinvestissement de 5 navires ? Il faut savoir ce que veut Hyproc, car à ce rythme, Hyproc existera même sans navires et sans que ses managers s'en aperçoivent. » Reste à savoir si les dirigeants de Hyproc vont accepter ces revendications légitimes d'une corporation poussée à la disparition.