Décidément, les héros ne meurent jamais. Un échange de prisonniers et de dépouilles, hier, entre Israël et le mouvement libanais Hezbollah en a donné la preuve, tout en rappelant certaines pages sombres de l'histoire du proche-orient. Qui se souvient, en effet, de Kamel Adwane, assassiné par Ehud Barak, celui-là même qui allait devenir premier ministre israélien ? Ou de Dalal al Moghribi, celle qui allait justement venger cet assassinat en menant une héroïques opération à Tel-Aviv ? Dalal al Moghribi s'est tout simplement emparé en 1978 d'un bus militaire israélien. Ou encore de Samir Kantar, certainement le plus ancien détenu du monde depuis la libération de Nelson Mandéla. Ce dernier a recouvré, hier, sa liberté à la faveur de l'échange, entre Israël et le Hezbollah, des dépouilles de deux soldats israéliens enlevés en 2006 et ceux combattants du mouvement chiite libanais dans le cadre d'un accord. L'enlèvement des deux Israéliens, le 12 juillet 2006 à la frontière libanaise, avait déclenché une offensive israélienne de 34 jours où 1200 personnes ont été tuées côté libanais, pour la plupart des civils, et 160 côté israélien, essentiellement des soldats. Le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, avait laissé entendre que les deux soldats étaient morts mais le Hezbollah n'avait jamais donné d'information quant à leur sort. A l'inverse, les dépouilles de 12 combattants, dont celle de la Palestinienne Dalal al Moghrabi, ont été remises par Israël au Hezbollah selon le CICR. « Les camions du CICR ont transporté 12 dépouilles, dont celles appartenant à des (combattants) du Hezbollah, celle de Dalal al Moghrabi et les restes d'autres combattants qui pourraient faire partie du commando dirigé par al-Moghrabi », a déclaré la porte-parole du CICR, Jesse Chahine. Le responsable du Hezbollah chargé des dossiers des prisonniers, Wafik Safa, a indiqué à la chaîne du mouvement chiite, Al Manar, que parmi les 12 dépouilles figurent celles de huit combattants du Hezbollah tués lors de la guerre avec Israël en juillet-août 2006. Selon lui, les quatre autres dépouilles sont celles de Dalal al-Moghrabi et trois de ses compagnons qui avaient mené en 1978, une opération spectaculaire en territoire israélien qui avait fait 36 morts. Les cercueils en bois, transportés à bord de camions à travers la frontière israélo-libanaises ont été recouverts de drapeaux libanais. Selon Al Manar, il s'agit de la première étape de la remise de dépouilles de près de 200 combattants libanais, palestiniens et arabes qui doivent être remis par Israël dans le cadre de l'opération d'échange avec le Hezbollah. Israël doit aussi libérer cinq Libanais qu'il détient, toujours dans le cadre de cet échange. Parmi les Libanais qui doivent être libérés figure Samir Kantar, du Front de libération de Palestine (FLP), condamné en 1980 à cinq peines de prison à vie et 47 ans additionnels. En 1979, Kantar avait tué dans le nord d'Israël un policier, pris en otage un civil israélien qu'il avait abattu, puis tué la fille de ce dernier. Les autres prisonniers sont Khodr Zaidane, Maher Kourani, Mohammad Sorour et Hussein Sleimane. Ils avaient été capturés lors de la guerre de l'été 2006. Contrastant avec l'atmosphère sombre en Israël, la joie était visible au Liban. La journée d'hier a été décrété « journée fériée » par le gouvernement et le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui devait prononcer un discours. « Le Liban verse des larmes de joie, Israël verse des larmes de douleur », clame, triomphalement une banderole géante déployée près de la frontière. A Ghaza, le mouvement palestinien Hamas a qualifié cette opération de « victoire pour la résistance ». Selon lui, cet échange « démontre que le moyen le plus efficace de faire libérer les prisonniers détenus par l'occupant, est l'enlèvement de soldats sionistes ». Le Hamas exige, en effet, la libération de centaines de prisonniers palestiniens en échange d'un soldat israélien, Gilad Shalit, capturé par un commando palestinien lors d'une attaque en juin 2006. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, s'est aussi félicité de l'opération d'échange de prisonniers et de dépouilles, a indiqué la présidence dans un communiqué. « Le président félicite la famille de Samir Kantar, le doyen des prisonniers arabes, et celles des autres détenus libérés. » Une page se tourne, mais rien n'est terminé. Les Palestiniens le savent trop bien.