Yahia Benambrouk est un caractère qui marquera encore longtemps l'imaginaire algérien. « L'Apprenti » ou ce souffre-douleur de « l'Inspecteur Tahar », caractère tout aussi significatif campé par feu Hadj Abderrahman disparu un 5 octobre 1981, soit treize ans, presque jour pour jour, avant son acolyte. La perte de Yahia Benmabrouk a été douloureuse à plus d'un titre. D'abord celle d'un artiste qui, par ses péripéties cinématographiques, a planté le goût du rire dans le cœur de millions de téléspectateurs algériens. Celle aussi d'un homme humble qui, malgré les dures conditions de vie qu'il partageait avec le reste des Algériens, sans traitement de faveur, a gardé le sourire pour le prodiguer. Ancien élève de l'école Sarrouy de La Casbah d'Alger, ancien scout de La Pêcherie, ancien footballeur du prestigieux CCA, il débute sa carrière sur les planches du théâtre de Mustapha Kateb. Il côtoie les Kouiret, Raïs, Rouiched... Mais c'est son duo avec l'Inspecteur Tahar qui le propulse au-devant de la scène, dans des épisodes où l'intrigue policière laisse volontiers la place au conflit d'autorité pourtant entendue entre ces deux personnages. L'aventure cinématographique se termine net avec la disparition de son mentor à l'écran. Yahia Benmabrouk pris dans le personnage ne pourra plus revenir. Dans sa « houmma », sur un tronçon côtier dit La Vigie à Alger, l'habitation de l'artiste, qui sert encore à abriter ses enfants, ses cousins ou peut-être encore ses proches, montre les signes du délabrement. Yahia, El Hadj Yahia, comme l'appellent respectueusement les jeunes du quartier, était malade depuis longtemps. La presse d'abord, puis les autorités alertées, s'inquièteront de son état de santé. Une marque d'attention qui, photographies à l'appui, paraîtra bien dérisoire devant le ravage de l'âge, de la maladie, et...de l'oubli. Yahia Benmabrouk, qui affectionnait tant les moments passés sur sa terrasse en face de la mer « Méditerranée » -n'est ce pas un euphémisme ? -, repose au cimetière de Hammamet, une commune balnéaire à l'est d'Alger. De là, à moins d'un changement urbanistique majeur, les reflets de cette étendue liquide fouetteront à jamais sa dernière demeure. Suffira-t-elle pour figer son sourire ?