La légende de la chanson kabyle, Idir, qui parraine la 22e édition du festival international Nuits d'Afrique, a donné, jeudi dernier, au Métropolis de Montréal, un concert lançant la programmation officielle de cette manifestation dédiée aux rythmes d'ascendance africaine. Montréal : De notre correspondant Qui a dit que la musique ne mobilise plus ? Beaucoup de politiciens rêvent de pouvoir remplir une salle de plus de 2000 places, de se faire « respecter » pendant deux heures, de voir le public répéter à l'unisson leurs « paroles » et de se faire rappeler sur scène à la fin de leur prestation ! Pour le chanteur algérien Idir, légende vivante de la chanson kabyle, l'exercice était plus qu'aisé jeudi dernier à la salle Métropolis de Montréal, où il a donné un concert dans le cadre de la 22e édition du festival international Nuits d'Afrique de Montréal. un public conquis d'avance, pas du tout rebuté par le prix du billet et en parfaite symbiose avec l'artiste. Une osmose qui est le fruit d'une complicité construite tout au long des 35 années de carrière de Idir… comme qui dirait que le public et l'artiste se sont aimés d'un amour tendre en cette chaude soirée montréalaise. Idir, parrain de l'édition de cette année, a donné un concert marquant le coup d'envoi de la programmation officielle de ce festival dédié aux rythmes africains et d'ascendance africaine (Afrique, Antilles et Amérique latine) regroupant des artistes de 27 pays. La première partie du concert de Idir a été assurée avec brio par le groupe Syncop, une formation mixant rythmes algériens et québécois que drive le talentueux chanteur et compositeur Karim Benzaïd. Il fallait avoir une bonne dose de courage et d'audace, qui n'ont pas fait défaut à Syncop, pour préparer un public venu écouter la star kabyle. Lumières et identités Le public a pu apprécier, entre autres, une version « accommodée » au contexte québécois de la chanson staïfia Moul Echech : l'histoire d'un algérien qui rend visite à sa fille vivant à Montréal avec tout le choc culturel qui en résulte. La chanteuse Bariza ne s'y retrouverait pas dans les subtilités du texte de Syncop ! En exclusivité pour le public de Idir, la formation algéro-québécoise a enchaîné avec La Cabane à souk une chanson extraite de son prochain album qui sortira en automne, où il est question de métissage culturel et de Poutine (plat québécois) et de couscous ! Au moment où Syncop a entamé un rythme kabyle, la composition et la sensibilité du public devenaient clairement identifiables ! Avant de laisser la place à Idir, Karim Benzaïd a rendu hommage au chanteur qui « a fait revivre le patrimoine berbère ». L'entrée sur scène de Idir s'est faite sous un tonnerre d'applaudissements sur fond de musique « idirienne » et les caméras des téléphones portables immortalisant ces moments aux cris de « Imazighen ». Ceci pour un tour de chant de 2 heures, où le fils du berger berbère a emporté son public vers les hauteurs de la Kabylie à travers les chansons puisées de ses albums Avava Inouva, Chasseurs de lumières et Identités, un clin d'œil a été fait à son dernier album La France des couleurs avec le texte du slameur français Grand corps malade, Lettre à ma fille, une chanson suivie religieusement par le public qui lui a signifié sa totale adhésion par de très longs applaudissements. Il a alterné les deux albums Avava Inouva et Chasseurs de lumières : Isefra (le voyage) chanté avec le public puis Azger (le bœuf), Ssendou (la voie lactée). Et arrive enfin Avava Inouva, chanson traduite dans 15 langues et diffusée dans plus de 70 pays et « à cause ou grâce à laquelle je suis parmi vous » dira l'artiste à son auditoire. Pour cette chanson, Idir n'avait même pas besoin de la chanter, le public l'a fait à sa place. La chanson Tizi Ouzou, la version kabyle de San Francisco du chanteur français Maxime Le Forestier sera suivie de Azwaw (Kabyle) qui mettra le feu aux hanches avant d'enchaîner avec Chteduyi (la relève) et de finir avec Awaha awah (illusions). le chanteur remerciera son public, même les sans-papiers qui ne sont pas si nombreux que ça de ce côté-ci de l'Atlantique. Il dira avoir été impressionné par le fait que le public connaisse intégralement toutes ses chansons. Dans ses échanges avec les spectateurs, Idir a rendu hommage à son ami « Matoub Lounès » assassiné voilà dix ans. Il le reconnaît parmi « les étoiles qui ne sont que des fleurs coupées brutalement par la bêtise humaine ». Car « tous ceux qui sont morts assassinés vont devenir des étoiles. Et si on lève la tête vers le firmament on les apercevra », dira-t-il Le public le rappellera sur scène. Il revient pour finir avec Ay al khir inou. Une chanson qui rappelle l'ambiance de fin de fête kabyle avec ce rythme doux et tendre accompagné de youyous. A la fin de la soirée, l'auteur de l'article qui n'est pas berbérophone avait envie d'aller s'inscrire, sur le champ, à un cours de langue kabyle histoire de renforcer les invasions berbères sur le Métropolis de Montréal… mais il était déjà minuit passé !