Les législatives se tenaient lundi en Syrie malgré le contexte de violences, le régime espérant se donner une certaine crédibilité grâce à ce scrutin boycotté par l'opposition et qualifié de "farce sinistre" par la France en raison de la répression. Alors que la télévision officielle syrienne montrait des électeurs déposant leur bulletin de vote dans plusieurs régions du pays, des militants évoquaient un boycott du scrutin dans les villes rebelles. "Le vote se déroule normalement, les électeurs affluant vers les bureaux de vote", a commenté le ministre de l'Intérieur Mohammad al-Chaar, tandis que dans des quartiers populaires de Damas comme Douela et Tabanneh, les électeurs se massaient pour voter. Dans d'autres quartiers et plusieurs villes rebelles, une grève était observée à l'appel de l'opposition, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et des militants. Au coeur de Damas, à l'entrée du bureau de vote place Sabaa Bahrat, Chahba Karim 18 ans, a estimé que ces élections apporteraient "une réponse définitive à la crise", exprimant le point de vue des électeurs interviewés par la télévision d'Etat. "Avec ces élections, on sent que c'est le début de la fin de la crise, renchérit Rim Youssef, 22 ans, étudiante en psychologie: Mais Fady, employé de presse de 47 ans, n'ira pas déposer un bulletin dans l'urne. "Cela signifierai que je suis d'accord avec ce qui se passe et ce n'est pas le cas", a-t-il dit. Le régime de Bachar al-Assad "se fait des illusions s'il pense qu'il existe encore à travers cette mascarade d'élection, alors qu'il est incapable de contrôler les villes et les villages sans ses chars", a affirmé Noureddine al-Abdo, militant à Idleb. Selon Abou Ghazi, militant à Hama, la grève a été observée dans cette ville protester contre l'élection de "ce Parlement de marionnettes de Bachar", en référence au président, qui n'avait pas encore voté dans l'après-midi. En cette journée électorale, le sang a encore coulé: trois jeunes hommes ont été tués dans une embuscade tendue par les forces de sécurité dans la région de Deir Ezzor (est), selon l'OSDH. Il s'agit des premières élections "multipartites" depuis un demi-siècle en Syrie, où le régime de M. Assad est confronté depuis mars 2011 à un mouvement de contestation réprimé dans sang. Mais pour France, ces élections "s'apparentent à une farce sinistre", en raison de la répression. "C'est par le processus de transition politique déterminé par le plan Annan et par la Ligue arabe que le peuple syrien pourra retrouver la capacité de s'exprimer librement sur son destin", a rappelé Paris, en référence au plan de sortie de crise. L'opposition, qui réclame le départ pur et simple du président Assad, a annoncé de son côté qu'elle n'était pas dupe des tentatives du régime d'acquérir une légitimité à travers ce scrutin qualifié d'"absurde". "Celui qui baigne la Syrie dans le sang, pousse à l'exode deux millions de Syriens et tire sur le peuple syrien ne possède aucune légitimité pour rédiger une Constitution, promulguer une loi électorale ou convoquer des élections", a affirmé lundi le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, dans un communiqué. A Pékin, à l'occasion d'une visite d'une délégation du CNS présidée par son chef Burhan Ghalioun, les autorités chinoises, qui soutiennent Damas à l'instar de la Russie, ont espéré que le scrutin aiderait "à promouvoir le processus de réformes en Syrie". La répression et les combats ont fait plus de 11.100 morts, en majorité des civils, selon l'OSDH et poussé à l'exil plus de 65.000 Syriens selon l'ONU, sans compter les dizaines de milliers de détenus. Damas ne reconnaît pas l'ampleur de la révolte et assimile la rébellion à du "terrorisme" financé par l'étrangèr. Les violences se poursuivent en dépit du cessez-le-feu prévu par le plan Annan depuis le 12 avril, et pour lequel des observateurs ont été déployés.Dans ce contexte, le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem a affirmé au chef de la mission, le général Robert Mood, que son gouvernement "facilitait" le travail des observateurs et selon l'agence officielle Sana, le général norvégien s'est félicité de "la coopération de Damas". A travers le pays, 7.195 candidats sont en lice pour les 250 sièges de députés, alors que la Syrie est sans Parlement depuis un an en raison du soulèvement. Sept des neuf partis créés récemment ont présenté des candidats grâce à la nouvelle Constitution adoptée par référendum en février, qui a supprimé l'article accordant au parti Baas, au pouvoir depuis 1963, le rôle dirigeant dans la société. Les quelque 12.000 centres de vote devraient fermer à 22H00 (19H00 GMT). La presse syrienne s'est par ailleurs félicitée de la défaite de Nicolas Sarkozy et de son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, qui ont été à la pointe du soutien au mouvement de contestation, titrant "Le duo Sarkozy-Juppé dans les poubelles de l'histoire".