Les élections législatives se tenaient lundi en Syrie malgré le contexte de violences, le régime espérant se donner une certaine crédibilité même si l'opposition boycotte ce scrutin qu'elle qualifie de "mascarade" en raison de la répression. Au moment où la télévision officielle syrienne montrait des électeurs déposant leur bulletin de vote dans des régions relativement peu touchées par les violences, des militants évoquaient un boycott total du scrutin dans les villes rebelles. A Hama (centre), Idleb (nord-ouest), Deraa (sud) et même dans des quartiers anti-régime à Damas, une grève a été suivie à l'appel de l'opposition en signe de protestation, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Le régime de Bachar al-Assad "se fait des illusions s'il pense qu'il existe encore à travers cette mascarade d'élection, alors qu'il est incapable de contrôler les villes et les villages sans ses chars", a affirmé Noureddine al-Abdo, militant à Idleb. Au coeur de Damas, à l'entrée du bureau de vote place Sabaa Bahrat, Chahba Karim 18 ans, a estimé que ces élections apporteraient "une réponse définitive à la crise", assurant qu'elle avait voté pour "les réformes", exprimant le point de vue des électeurs interviewés par la télévision d'Etat. Mais Fady, employé de presse de 47 ans, n'ira pas déposer un bulletin dans l'urne. "Cela signifierai que je suis d'accord avec ce qui se passe et ce n'est pas le cas", a-t-il dit. Selon Abou Ghazi, militant à Hama, l'ensemble des marchés et magasins sont fermés pour protester contre l'élection de "ce Parlement de marionnettes de Bachar", en référence au président, qui n'avait pas encore voté à la mi-journée. En cette journée électorale, le sang a encore coulé: trois jeunes hommes ont été tués dans une embuscade tendue par les forces de sécurité dans la région de Deir Ezzor (est), selon l'OSDH. Il s'agit des premières élections "multipartites" depuis un demi-siècle en Syrie, où le régime de M. Assad est confronté depuis mars 2011 à un mouvement de contestation réprimé dans sang. L'opposition, qui réclame le départ pur et simple du président, a annoncé qu'elle n'était pas dupe des tentatives du régime d'acquérir une légitimité à travers ce scrutin qualifié d'"absurde". "Celui qui baigne la Syrie dans le sang, pousse à l'exode deux millions de Syriens et tire sur le peuple syrien ne possède aucune légitimité pour rédiger une Constitution, promulguer une loi électorale ou convoquer des élections", a affirmé lundi le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, dans un communiqué.A Pékin, à l'occasion d'une visite d'une délégation du CNS présidée par son chef Burhan Ghalioun, les autorités chinoises, qui soutiennent Damas à l'instar de la Russie, ont espéré que le scrutin aiderait "à promouvoir le processus de réformes en Syrie". A travers le pays, 7.195 candidats sont en lice pour les 250 sièges de députés, qui devraient adopter une série de réformes promises par le chef de l'Etat, alors que la Syrie est sans Parlement depuis un an en raison du soulèvement. Neuf partis ont été créés et homologués, dont sept ont présenté des candidats, grâce à la nouvelle Constitution adoptée par référendum en février, qui a supprimé l'article accordant au parti Baas, au pouvoir depuis 1963, le rôle dirigeant dans la société. Les quelque 12.000 centres de vote devraient fermer à 22H00 (19H00 GMT). Le ministre syrien de l'Information, Adnane Mahmoud, a affirmé dimanche que ces législatives constituaient un "défi à la guerre terroriste" contre la Syrie. Damas ne reconnaît pas l'ampleur de la révolte et assimile la rébellion à du "terrorisme" et à un "complot" financé par des parties étrangères. Les autorités ont assuré avoir pris toutes les mesures nécessaires "pour empêcher tout dérapage de la sécurité", alors que la répression et les combats entre soldats ont fait plus de 11.100 morts, en majorité des civils, selon l'OSDH et poussé à l'exil plus de 65.000 Syriens selon l'ONU, sans compter les dizaines de milliers de détenus. Les violences se poursuivent en dépit du cessez-le-feu prévu par le plan Annan depuis le 12 avril, et pour lequel des observateurs ont été déployés.