La communauté chrétienne copte d'Egypte était inquiète au lendemain de la victoire du Frère musulman Mohamed Morsi à la présidentielle, mais certains se résignaient à une possible cohabitation avec le pouvoir islamiste. Les Coptes, qui se disaient déjà victimes de discrimination sous le régime laïque de Hosni Moubarak, ont voté massivement pour le rival de M. Morsi, Ahmad Chafiq, voyant dans cet ancien Premier ministre du raïs déchu un rempart face à "l'islamisme rampant" dans le pays. De nombreux membres de cette communauté qui représente de 6 à 10% des plus de 80 millions d'Egyptiens, interrogés lundi, estimaient toutefois que l'ouverture politique et sociale depuis la chute de M. Moubarak leur permettait de mieux se défendre contre les discriminations. Leur Eglise a promptement réagi, dimanche soir, en félicitant le président élu. "Nous appartenons à ce pays et sommes déterminés à y rester", assure Salwa, 47 ans, femme au foyer qui réside au nord du Caire. Pour elle, les Coptes ont "pleinement participé à la révolution et élevé la voix contre l'ancien régime. Si quelque chose se produit avec les islamistes, nous ne nous tairons pas et nous nous défendrons jusqu'au bout", dit-elle. Ce sentiment n'est pas partagé par Wassim William, 32 ans, qui dirige un petit atelier de photocopie à Chobra, un grand quartier populaire où habitent de nombreux Coptes. "Je ne m'attendais pas du tout à la victoire de Morsi. Je me suis effondré à l'annonce des résultats", dit-il. Rappelant les griefs de sa communauté contre l'ancien régime, où celle-ci était peu présente dans les cercles du pouvoir, Wassim dit craindre davantage de discriminations avec le régime islamiste. Cela pourrait se traduire selon lui par le renforcement des restrictions sur la construction de lieux de culte chrétiens et l'accès aux hautes fonctions publiques. "Notre espoir était qu'après la révolution, l'Egypte deviendrait réellement un Etat civil, pas religiux", regrette-t-il. Issu de la puissante confrérie des Frères musulmans, longtemps interdite, M. Morsi qui a obtenu 51,73% des voix est le premier islamiste à accéder à la magistrature suprême en Egypte et sera le premier chef d'Etat à ne pas sortir des rangs de l'armée. Le militant copte des droits de l'Homme, Naguib Jibrail a conditionné toute coopération avec le nouveau pouvoir à sa volonté de consolider l'Etat civil, l'égalité des droits en ce qui concerne la construction des églises et des mosquées et l'adoption d'une loi criminalisant les discriminations religieuses. Dans un communiqué publié peu après l'annonce dimanche de la victoire de M. Morsi, il a aussi réclamé la désignation d'un vice-président copte et une représentation équitable de cette communauté dans les ministères. "Ma femme était un peu choquée, j'ai essayé de la rassurer", affirme l'écrivain copte Samir Morqos. Mais "que peut-il nous arriver de plus que ce qui se passait déjà auparavant ?", se résigne-t-il. "Le paysage politique a changé depuis la révolution, le pouvoir sécuritaire a disparu, il n'y a plus de parti unique et les portes sont ouvertes pour que les Coptes agissent et participent concrètement au processus politique", estime-t-il. Lors de sa campagne électorale, M. Morsi a cherché à rassurer les Coptes, "des partenaires nationaux qui ont des droits complets" selon lui. Dans son premier discours à la nation, Il s'est posé dimanche comme le président de "tous les Egyptiens", en appelant à l'unité nationale. Les Coptes ont perdu en mars leur patriarche, Chenouda III, ardent défenseur de sa communauté, décédé à l'âge de 88 ans et toujours pas remplacé.