Des mouvements islamistes égyptiens ont appelé à manifester à partir de vendredi pour soutenir Mohamed Morsi, deux jours avant un rassemblement pour contester la légitimité du président islamiste, témoignant des clivages croissants dans le pays un an après son accession au pouvoir. La tension est vive et jeudi soir, des heurts entre partisans et opposants du président ont éclaté devant le siège du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), bras politique des Frères musulmans dont est issu M. Morsi, dans le gouvernorat d'ach-Charqiya (nord), faisant un mort et 30 blessés, selon le ministère de la Santé. L'Egypte est profondément divisée entre les partisans de M. Morsi, qui estiment qu'il épure les institutions après des décennies de corruption, et ses détracteurs qui l'accusent de concentrer le pouvoir entre les mains des Frères musulmans. Alors que l'opposition a appelé à une vaste manifestation dimanche, date anniversaire de l'investiture de M. Morsi, une alliance de groupes et partis politiques islamistes a demandé à ses partisans de se mobiliser dès vendredi, et pour une durée illimitée, sous le slogan "la légitimité est une ligne rouge", devant la mosquée Rabaa al-Adawiya de Nasr City, un faubourg du Caire. Le 21 juin, des dizaines de milliers d'islamistes s'étaient déjà rassemblés au même endroit pour exprimer leur soutien à M. Morsi, premier président civil d'Egypte. La tenue de ce nouveau rassemblement islamiste, deux jours avant celui de l'opposition, fait redouter une détérioration accrue du climat politique, propice à de nouvelles violences alors que mercredi, une personne avait déjà été tuée et 237 blessées dans des affrontements à Mansoura, dans le delta du Nil. Des entreprises ont annoncé qu'elles seraient fermées dimanche, jour de la manifestation des opposants et début de la semaine en Egypte. Au Caire, certains habitants retiraient de l'argent liquide et stockaient de la nourriture. En raison de la pénurie d'essence, de longues files d'attente se sont formées devant les stations service de la capitale, où il fallait parfois plusieurs heures avant de pouvoir faire le plein. L'armée a déployé des renforts dans les villes clés du pays pour protéger les établissements vitaux, ont indiqué des responsables de la sécurité. Le ministre de la Défense a prévenu dimanche que les militaires interviendraient en cas de violences lors des manifestations. La légitimité du président est au coeur des tensions entre les partisans du président islamiste et les anti-Morsi, mobilisés par le mouvement populaire Tamarrod (rébellion, en arabe). Créé en avril pour réclamer le départ de M. Morsi, Tamarrod affirme avoir réuni 15 millions de signatures demandant la tenue d'une élection présidentielle anticipée. Les opposants reprochent au président, élu un an après la chute de Hosni Moubarak, de concentrer le pouvoir entre les mains des islamistes et de ne pas s'atteler aux revendications démocratiques qui avaient déclenché la révolution en 2011. Aux demandes de plus de liberté et de justice sociale s'ajoute une lassitude face à un quotidien de plus en plus difficile, marqué par les coupures de courant, le chômage et l'inflation croissants. Les pro-Morsi mettent de leur côté en avant son statut de premier président élu démocratiquement en Egypte et affirment que difficultés économiques et tensions religieuses affectaient déjà l'Egypte avant son arrivée au pouvoir. Mercredi, dans un discours télévisé, le chef de l'Etat a appelé à la réforme et au dialogue, tout en lançant une mise en garde contre les divisions qui risquent de précipiter le pays dans la "paralysie" et le "chaos". Il a annoncé qu'un comité allait étudier la possibilité d'amender la Constitution et a invité tous les partis politiques à proposer leurs suggestions d'amendements. La Constitution a été au coeur d'une bataille acharnée entre les partisans de M. Morsi et ses opposants, qui estiment que le texte ouvre la voie à une islamisation accrue de la législation. Mais l'opposition a rejeté l'offre de dialogue du président, réitérant son appel à manifester. Le discours mercredi de M. Morsi est "le contraire d'une reconnaissance claire de la situation difficile que vit l'Egypte à cause de son échec à administrer les affaires du pays", a estimé Mohamed El-Baradei, responsable du Front du salut national (FSN), principale coalition de l'opposition.