Israël compte sur l'armée égyptienne pour réprimer les groupes islamistes dans le Sinaï et assurer la stabilité du pays après la destitution de l'islamiste Mohamed Morsi, premier président civil de l'Egypte, selon la classe politique et les médias. Du côté officiel, la consigne de mutisme donnée aux ministres par le chef du gouvernement Benjamin Netanyahu continuait à être respectée. Mais Tzahi Hanegbi, un député proche de M. Netanyahu, s'est félicité de la destitution de Mohamed Morsi, premier président issu des rangs des Frères Musulmans. "L'intérêt clair d'Israël, c'est que l'Egypte reste stable, orientée vers l'Occident et les Etats-Unis et ne se laisse pas entraîner par une vague d'extrémisme religieux", a estimé M. Hanegbi, ancien président la commission de la Défense et des Affaires étrangères de la Knesset (Parlement). "Durant l'année de pouvoir de Morsi, nous avons constaté des évolutions inquiétantes, c'est pourquoi le retour à une position dominante de l'armée et d'un pouvoir laïc capables d'assurer la stabilité du pays constituent de bonnes nouvelles pour Israël", a ajouté M. Hanegbi. Un ancien ambassadeur d'Israël en Egypte, Yitzhak Levanon, a lui aussi insisté sur le rôle positif de l'armée. "Les autorités égyptiennes connaissent la sensibilité d'Israël pour tout ce qui se passe dans le Sinaï, or l'armée égyptienne se sent désormais un peu plus libre d'agir avec fermeté contre les éléments islamistes", a ajouté l'ex-diplomate. Le quotidien Yédiot Aharonot affirme pour sa part que la "coopération de sécurité" entre les deux pays s'est renforcée ces derniers jours. Selon le journal, quelques heures seulement après la destitution du président Morsi, un "représentant officiel israélien est arrivé secrètement au Caire pour des rencontres avec des responsables des services de sécurité et de renseignement égyptiens". Le journal n'a pas donné d'autres précisions. "Les liens sécuritaires étaient bons durant la période Morsi et devraient être encore meilleurs désormais", prédit le Yédiot Aharonot. Le Sinaï, une région aux confins de l'Egypte, de la bande de Gaza contrôlée par les islamistes palestiniens du Hamas, et d'Israël, connaît depuis 2011 une recrudescence d'activité des mouvements islamistes radicaux, jihadistes et salafistes. Les enlèvements et les attaques visant les forces de sécurité égyptiennes se sont multipliés, ainsi que les tirs de roquettes vers le sud d'Israël. Cette tension s'est traduite vendredi par la mort d'un soldat égyptien, tué lors d'attaques simultanées de militants islamistes qui ont tiré à la roquette et à la mitrailleuse sur des postes de police et militaire au Sinaï, a-t-on indiqué de source médicale égyptienne. Un poste de police et un bâtiment du renseignement militaire dans la ville frontalière de Rafah, à la limite de la bande de Gaza, ont également été attaqués à la roquette, ont ajouté des sources de sécurité. Plusieurs islamistes ont publiquement menacé de commettre des violences en représailles à l'éviction de Mohamed Morsi mercredi. L'armée israélienne a "autorisé" mardi le déploiement de renforts militaires égyptiens dans le Sinaï. "L'activité militaire égyptienne dans le Sinaï est coordonnée avec les responsables de sécurité israéliens et autorisée aux plus hauts niveaux en Israël, afin de faire face aux menaces contre la sécurité dans le Sinaï, visant à la fois Israël et l'Egypte", a expliqué l'armée israélienne dans un communiqué. L'accord de paix entre Israël et l'Egypte conclu en 1979 prévoit une limitation de la présence militaire égyptienne dans le Sinaï. Oded Granot, commentateur de la télévision publique, a souligné que l'armée égyptienne "a toutes les chances de rester au centre de l'échiquier politique". "Il faudra beaucoup de temps avant qu'un dirigeant égyptien puisse imiter Recep Tayyip Erdogan (le Premier ministre turc d'obédience islamiste) qui a réussi à mettre au pas l'armée turque", a ajouté le commentateur. Un autre analyste, Udi Segal, a estimé que l'armée égyptienne, "en position de force", devrait continuer à mener une politique hostile au Hamas, en bouchant notamment les multiples tunnels entre la bande de Gaza et le territoire égyptien "afin d'empêcher l'infiltration de combattants islamistes palestiniens en Egypte".