Les partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi poursuivaient leurs sit-in samedi au Caire, au lendemain de manifestations de plusieurs dizaines de milliers de personnes en marge desquelles trois personnes ont péri en province. Il s'agissait des plus importantes manifestations islamistes depuis la formation mardi du gouvernement intérimaire, et le président par intérim Adly Mansour ainsi que l'armée avaient mis en garde les contestataires contre toute violence. Les Frères musulmans, la formation dont est issu M. Morsi, dénient toute légitimité au nouveau pouvoir qu'ils accusent d'être issu d'un coup d'Etat militaire, et font valoir que M. Morsi a été démocratiquement élu. Ils comptent maintenir un rapport de force avec la poursuite de manifestations de rue. Aucun incident grave n'a été signalé dans la capitale, mais trois femmes ont été tuées et sept autres personnes blessées vendredi soir à Mansoura, dans le delta du Nil (nord), lors d'affrontements entre partisans de l'ancien président et opposants. Au Caire, des cortèges des Frères musulmans ont convergé vers deux sites qu'ils occupent depuis près de trois semaines: la mosquée Rabaa al-Adawiya dans un faubourg de la capitale, et les abords de l'Université du Caire, plus proche du centre-ville. Les islamistes, qui y ont installé des tentes et dressé des barrages sur les voies d'accès, s'y trouvaient toujours par centaines samedi matin. A Rabaa al-Adawiya, la foule brandissait des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "où est passé mon vote?", en référence au scrutin qui avait porté M. Morsi au pouvoir en juin 2012, première élection présidentielle démocratique en Egypte. Cette journée de protestation a été intitulée "briser le coup d'Etat" , allusion à la destitution de M. Morsi par l'armée le 3 juillet, dans la foulée de manifestations de masse réclamant son départ. Une partie des manifestants s'est dirigée vers le ministère de la Défense et le quartier général de la Garde républicaine, situés dans les environs de la mosquée, mais ont été empêchés d'y accéder par des barrages de l'armée. Le 8 juillet une cinquantaine de personnes avaient été tuées devant le siège de la Garde. De nombreux slogans visaient le chef de l'armée et ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi, homme-clé dans la destitution de M. Morsi et nouvel homme fort du pays. Des manifestations islamistes ont également eu lieu dans plusieurs villes de province, comme à Alexandrie (nord). Des rassemblements des adversaires de M. Morsi se sont également tenus en soirée, cette fois dans une ambiance festive. Place Tahrir, quelque 2.000 personnes ont notamment brandi des portraits du général Sissi, au milieu de feux d'artifice. Près du palais de la présidence, plusieurs centaines d'anti-Morsi ont agité des drapeaux pour saluer la chute du président qu'ils accusaient de gouverner au seul profit de son clan et de laisser le pays plonger dans la récession économique. Le président par intérim Adly Mansour, désigné par l'armée, avait prévenu jeudi qu'il mènerait "la bataille pour la sécurité jusqu'au bout" face à la volonté des islamistes de continuer à mobiliser dans la rue. "Quiconque a recours à la violence dans les manifestations de vendredi mettra sa vie en danger", avait également averti l'armée. Les violences depuis le renversement de M. Morsi ont fait plus d'une centaine de morts. Alors que l'ex président est toujours détenu par l'armée et qu'une vague d'arrestations a eu lieu parmi les membres des Frères musulmans, la confrérie a refusé toute négociation avec les nouvelles autorités. Le pouvoir est également confronté à une nette détérioration de la sécurité dans la péninsule du Sinaï (est), où sont implantés des groupes islamistes radicaux. Les dernières violences en date ont eu lieu vendredi soir lorsque deux civils ont péri et un autre a été blessé dans une attaque à la roquette contre un poste de contrôle de l'armée à al-Arich, selon les services de sécurité. Les attaques contre la police et l'armée mais aussi des civils se sont multipliées depuis le 3 juillet dans cette région, où l'armée a renforcé sa présence. Quatre policiers y ont été tués en moins de 48 heures, selon des sources médicales. L'agence officielle Mena a indiqué jeudi que dix jihadistes avaient été tués en deux jours lors d'une opération de l'armée dans cette région.