Les islamistes d'Ennahda au pouvoir en Tunisie et le mouvement d'opposition Nidaa Tounes ont reconnu dimanche avoir tenu des pourparlers secrets en Europe cette semaine pour trouver une issue à la crise politique minant le pays depuis près d'un mois. Le chef de Nidaa Tounes, l'ex-Premier ministre post-révolutionnaire Beji Caïd Essebsi, ennemi juré des islamistes, et celui d'Ennahda, Rached Ghannouchi, se sont rencontrés "lors d'une tournée européenne" de l'opposant, a indiqué le parti d'opposition dans un communiqué. M. Ghannouchi a confirmé sur Facebook que cette entrevue, le 15 août, avait été "positive et franche" sans plus de précisions. Selon des médias tunisiens, la rencontre a eu lieu à Paris. Nidaa Tounes, un parti de centre-droit, a révélé la tenue de ces pourparlers après la multiplication "de rumeurs" en ce sens, et alors que M. Ghannouchi avait nié avec véhémence avoir quitté la Tunisie pour des consultations. Aucun parti n'a expliqué pourquoi cette réunion a été tenue secrète, alors que la Tunisie est plongée dans une profonde crise politique depuis l'assassinat du député d'opposition Mohamed Brahmi le 25 juillet. Jusqu'à présent le Front de salut national (FSN) --une hétéroclite coalition d'opposition-- et Ennahda démentaient des pourparlers directs. Nidaa Tounès a pourtant indiqué dans son communiqué que la réunion avec M. Ghannouchi avait été organisée en accord avec ses partenaires du FSN. Les détracteurs du pouvoir disaient exclure toute négociation tant que le gouvernement dirigé par Ennahda ne démissionnait pas. Et les islamistes affirmaient refuser tout pourparler tant que l'opposition continuait à réclamer la démission du cabinet. Ennahda a réuni depuis samedi son parlement interne pour étudier "des initiatives" visant à résoudre la crise, et des négociations sont prévues lundi avec le puissant syndicat UGTT. Les opposants réclament un gouvernement apolitique et la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC), tandis que les islamistes ne sont prêts qu'à élargir le gouvernement existant à d'autres partis, en vue de former un cabinet d'union nationale. L'UGTT, soutenue par le patronat, a adopté une position médiane, plaidant pour un gouvernement apolitique et le maintien de l'ANC pour qu'elle achève enfin la Constitution. Le gouvernement est accusé d'avoir failli sur le plan sécuritaire face à l'essor de la mouvance salafiste, mais aussi dans le domaine économique, alors que les revendications sociales étaient au coeur de la révolution de janvier 2011.