Les effets de la radioactivité, conséquence des essais nucléaires menés par la France coloniale en février 1960 dans la zone de Hamoudia, à Reggane (150 km Sud d'Adrar), pèsent toujours sur la santé humaine et l'environnement, de l'avis unanime des associations locales, experts et chercheurs s'intéressant au nucléaire. Le président de l'association "13 février 1960" de Reggane, Omar EL-Hamel, dans un entretien à l'APS, s'est dit "surpris" de la qualification par des intellectuels, historiens et académiciens de ces crimes atroces, de simples "essais", et qui, a-t-il tenu à souligner, sont "loin de l'être, au regard de l'ampleur des ravages engendrés par ces violentes explosions". Des explosions qui, selon les populations témoins de leurs horreurs dans ses moindres détails, ont fortement secoué la région et les zones environnantes, avec, outre les destructions provoquées, de lourdes conséquences encore perceptibles la santé humaine, l'environnement et la nature. M. El-Hamel a ainsi souligné les graves répercussions de ces explosions nucléaires sur la vie humaine, l'environnement, la faune et la flore, ayant fait de cette zone vierge, paisible et à la nature intacte, un lieu désertique et de désolation n'offrant plus aucun signe de vie. Accroissement depuis du nombre de cas de cancer Sur le plan de la santé, cette catastrophe continue de provoquer, au fil des années, l'apparition de nouvelles pathologies, jusque-là méconnues dans la région et liées notamment au cancer, la leucémie et la cécité, du fait de l'exposition à la radioactivité, estime le président de la cellule des maladies cancéreuses de l'hôpital d'Adrar, Dr. Mustapha Ousidhoum. M. Ousidhoum a, pour étayer ses propos concernant l'émergence de nouvelles maladies dans la région, fait état de 44 cas de maladies cancéreuses enregistrées depuis le début de l'année 2015 au niveau de l'établissement public hospitalier de Reggane, soit 12 cas de plus que l'année dernière. Pour améliorer le diagnostic de pathologies cancéreuses, l'hôpital s'est doté d'un scanner de dernière génération et de lunettes de détection de la radioactivité, permettant le dépistage précoce des cas malades et leur meilleure prise en charge, a-t-il souligné. Mettant en avant les séquelles de la radioactivité sur les populations sahariennes, M. Ousidhoum a rappelé les conventions internationales reconnaissant 21 maladies cancéreuses comme étant une résultante directe de la radioactivité et figurant sur la liste de l'organisation mondiale de la santé (OMS), dont certaines de contamination immédiate par la radioactivité et d'autres pouvant être développées à long terme. M. Ousidhoum a appelé, dans ce cadre, à intensifier et coordonner les efforts avec d'autres instituts de recherche et experts en physique nucléaire en vue de répertorier les pathologies oncologiques dans la région et définir les liens entre les cas de cancer de la région et les essais nucléaires français menés il y a de cela 55 ans, du fait de l'existence d'effets ionisants dévastateurs sur la santé sur le long terme. Dr. Bentouba, spécialiste en physique énergétique à l'université d'Adrar, a, de son côté, confirmé que les tests de dosimètres effectués par des experts français dans la région depuis cinq ans ont révélé un "taux élevé" de radioactivité dans la région de Reggane, faisant toujours peser de lourds risques sur l'environnement. Ceci, d'autant plus, a-t-il ajouté, que le colonialisme français a recouru à l'enterrement dans la région d'importants matériels et moyens utilisés lors de ces explosions nucléaires. L'enseignant universitaire, qui prépare une étude sur les "effets des explosions nucléaires dans le Sud-ouest", a soutenu également que "la région entière na pas été épargnée des risques de rayonnements radioactifs", citant, dans le même cadre, la région de Oued Namous (Béchar), qui a, outre les sites des explosions nucléaires de Reggane (Adrar) et In-Ecker (Tamanrasset), été le champ d'essais nucléaires français et qui en porte encore les stigmates, désertée de sa population car non assainie de la dangereuse radioactivité. M. Bentouba a estimé nécessaire, en l'absence de moyens et technologies nécessaires pour lutter contre les risques induits de la radioactivité, l'impulsion de la mission de la recherche scientifique dans ce sens, citant en exemple l'expérience menée pour l'université d'Adrar par la mise en place d'une équipe versée dans le domaine, dans l'attente du feu vert des instances de tutelle pour entamer cette mission scientifique. Les zones agricoles oasiennes très affectées par la radioactivité Entre-autres effets visibles des séquelles des explosions nucléaires dans la région de Reggane, le président de l'association "13 février 1960" a évoqué la contamination de l'environnement provoquée par les radiations qui ont conduit à un flagrant rétrécissement des espaces agricoles oasiens et, ainsi, un recul sensible de la production agricole dans la région de Reggane qui était auparavant pourvoyeuse, dans le cadre du troc, de pays du Sahel africain en produits agricoles. La région du Tanezrouft, en est un exemple éloquent de cet état de fait, elle qui, après avoir été riche en sites verdoyants très convoités jadis par les caravanes commerciales, est devenu un vaste désert sur des centaines de kilomètres. Une situation qui a, du fait de la radioactivité, entrainé également une baisse des débits des ressources hydriques souterraines et parfois le tarissement de puits, a ajouté le responsable de l'association, tirant l'alarme sur la nécessité de s'orienter vers la recherche en quête d'autres alternatives. Assainir la région pour nourrir l'espoir de vie des citoyens Cette radioactivité, dont les séquelles perdurent de longues années, de l'avis des experts et chercheurs, nécessite d'urgentes décisions susceptibles de dissiper la crainte persistante des citoyens de la région et leur permettre de nourrir des espoirs de retour de la vie, et ce à travers l'organisation, sous l'égide des autorités algériennes, d'opérations d'assainissement de l'environnement des déchets radioactifs dont la responsabilité historique incombe à la France de fournir les moyens techniques et expertises susceptibles de satisfaire cette requête. M. Omar El-Hamel a, à ce titre, suggéré, pour atteindre un environnement sain et salubre, l'utilisation d'énergies renouvelables pour réaliser un développement durable, fixer la population locale dans un environnement à climat pur, en plus de l'initiation d'actions visant la régénération du couvert végétal, le boisement et la réalisation de ceintures vertes en vue d'atténuer la rudesse des conditions naturelles de la région. Etablir une étude écologique et sanitaire pour des actions préventives La présidente du bureau de wilaya de l'association nationale de protection de l'environnement et de la lutte contre la pollution à Adrar a, de son côté, mis en relief la nécessité d'études scientifiques afférentes aux volets écologique et de santé en vue d'aboutir aux actions préventives. Rokiya Tahri a appelé, dans une déclaration à l'APS, les responsables concernés à œuvrer, loin des actions occasionnelles et des dates anniversaires de cet évènement, à travers des démarches pratiques pour venir en aide aux citoyens affectés par ce "cauchemar" résultant de la radioactivité des explosions nucléaires perpétrées par la France coloniale et qui ont affecté aussi bien Reggane que d'autres régions se trouvant à des centaines de kilomètres. Elle s'est montrée "étonnée" du recours à la mise en place d'une clôture autour de la zone Zéro, ne permettant en rien de freiner les émanations radioactives véhiculées par l'air et le vent, appelant, pour cela, à prendre des mesures pratiques afin de traiter la situation par le recours à des expériences scientifiques et efficientes en vue d'absorber les radiations et assainir la région, à l'instar de l'expérience menée au Japon qui a connu une situation similaire. Bien que le réchauffement climatique demeure un phénomène mondial, il reste, toutefois, impossible de ne pas faire le lien entre la radioactivité engendrée par les explosions dans la région de Reggane et les conditions climatiques et écologiques prévalant actuellement dans la région et ayant ajouté aux souffrances des populations locales, estime la responsable. Le président de l'association "13 février 1960 à Reggane" a appelé à soutenir tous les peuples et pays endurant des risques écologiques et climatiques qui, a-t-il estimé, ne sont pas d'origines naturelle ou accidentelle, mais imposées du fait de facteurs historiques majeurs. Il a insisté, par la même occasion, sur l'éveil des consciences à travers le monde pour trouver une solution à ces problèmes, véritables séquelles de l'ère coloniale, en vue de permettre aux peuples de vivre décemment dans un environnement sain et viable, commun à tous. APS