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Chroniques d'une femme au...maquis
Publié dans Ennahar le 01 - 12 - 2008

« C'est mon père qui est la cause de tous mes malheur. J'ai du quitter notre maison dans la région de Sidi Makhlouf, wilaya de Bouira, après avoir abandonner mes études universitaires et rejoint le maquis en croyant ben faire. J'y ai passé 6 années à me déplacer d'un hameau à un autre et d'une montagne vers une autre. J'ai été mariée à trois terroristes...j'ai été égaré...j'ai regrété....réellement regretté. Aujourd'hui, je paye au prix fort, au point d'abandonner mes deux filles parce que je n'ai plus les moyens de m'en occuper. » 1.
2.
Reportage : Nachida Kouadri
3.
« J'ai vécu pendant 6 ans dans les montagnes et je me suis marié avec trois terroristes »
4.
« Mes enfants sont innocents, ils ne doivent pas payer pour un crime qu'ils n'ont pas commit »
5.
« Mon époux m'a laissé tomber après son repentir et s'est remarié avec une autre femme, et mon père a quitté ma mère et a prit une autres épouse »
6.
« Nous cuisinions pour les terroristes et lavions leurs habits. Nous attendions les ordres pour les exécuter aussitôt »
7.
Ceci est une partie du témoignage d'une femme pas comme les autres. Madame F. B., une repentie qui a bénéficiée la grâce, et qui est maintenant en train de compléter ses études universitaires qu'elle a quitté il y a 15 ans, afin d'obtenir un diplôme universitaire qui l'aidera à trouver un travail pour subvenir aux besoins de sa famille. Ce fut difficile pour nous d'atteindre la demeure de la repentie F. B. sise dans la région de Sidi Salem, à 10 kilomètres de Boudouaou dans la capitale, et lorsque nous l'avions contacté pour nous indiquer son domicile, elle nous a prié de ne pas prononcer son nom par peur par crainte pour sa famille et pour son fils de 9 ans. Après deux heures, nous sommes arrivés au village de Sidi Salem, croyant au début qu'il était abandonné, si ce n'était l'animation qu'on pouvait apercevoir de loin. La route était goudronnée, et sur la chassée, des écoliers rentraient chez eux. A notre arrivée, nous avons trouvé la dame qui nous attendait. Elle portait un Djilbab qui lui couvrait tout le corps et un Nikab noir qui cachait son visage. On ne pouvait entrevoir que ses yeux. Elle était assise, les mains cachées sous son djilbab. Avant de rentrer dans la maison, j'avais demandé à mon compagnon d'attendre la permission de la dame, celle-ci accepta. Elle nous a reçue dans sa modeste demeure composée d'une cour et de trois pièces, dans laquelle elle s'est établie depuis l'année 2000 avec son fils, qu'elle avait eu de son troisième mari. Il y avait aussi sa mère, ses sœurs et son grand père très âgé.
8.
Elle commença à parler dans un parfait arabe classique avant même qu'on lui pose des questions. La chose qui m'a le plus frappée était le fait qu'elle était calme et sereine au point que nos questions ne l'ont pas gênée du tout. Chose qui m'a permit de mener l'entretient avec aisance. Elle relata son histoire et son séjour qui a duré des années dans les montagnes avec une chronologie et une précision surprenantes, jusqu'aux petits détails et ce, depuis qu'elle avait quitté son village à Sidi Makhlouf et ses études universitaires pour rejoindre le maquis, jusqu'au jour où elle rentra chez sa famille.
9.
« J'ai été mariée à trois terroristes au maquis »
10.
Née en 1973 dans la wilaya de Bouira, au village Sidi Makhlouf, situé entre El-djebahia et Aïn Bessam. Elle a obtenue son baccalauréat en 1993, filière sciences économiques et gestion. Elle rejoignit l'école supérieure de commerce à Tafourah dans la capitale. Mais les conditions qui y régnaient pendant cette époque, ne lui permirent pas de terminer ses études universitaires. A cette époque, son père prit le maquis avant qu'elle ne le rejoigne. Notre interlocutrice reconnaît qu'elle avait tort. Elle avait crue, au début, qu'elle avait raison, elle et ceux qu'elle avait rejoints, et que le reste du monde avait tort. Cette idée était encrée dans sa tête pendant toutes ces années. Elle déclare « mon père m'a marié une première fois à un terroriste qui était alors, émir de la « katiba verte de la mort » sur les hauteurs des monts Hizer à Bouira. Il avait le diplôme d'ingénieur d'Etat en pétrole. Il m'avait demandé en mariage alors que je n'étais qu'étudiante en première année universitaire, car il était en contact permanent avec mon père. Ils mijotaient ensemble des plans pour monter au maquis. Après sept mois de mariage, il fut tué par les forces de l'Armée dans une embuscade. J'étais alors enceinte de six mois de ma première fille. Mes malheurs ont alors commencés, et je ne pouvais pas revenir en arrière. J'ai accouché de ma fille dans la montagne et j'ai continué à me déplacer d'un maquis à un autre et d'un hameau vers un autre jusqu'au jour où mon père décida de me marier à un autre terroriste dans le but, selon lui, de me protéger. C'était en 1994.
11.
Notre hôte interrompit son discours pour demander à mon compagnon photographe de ne pas faire paraître toute la photo dans le journal et aussi de ne pas prendre beaucoup de photos.
12.
Elle reprit son histoire en nous racontant que son deuxième mari était très proche de son père. Il était conseiller militaire dans la même katiba. Après un an et deux mois, elle reçue la nouvelle selon laquelle, son mari est tué sur les monts de Bouira. « J'étais enceinte de six mois d'une deuxième fille que j'ai nommée Yasmina, qui vit aujourd'hui chez la famille de son père. Je pleure chaque fois que je me la rappelle, parce que, jusqu'à aujourd'hui, elle n'est pas inscrite sur le registre des naissances.
13.
Nous nous déplacions d'un lieux à un autre…nous lavions et cuisinions, et le soir nous rencontrions nos époux.
14.
Elle F. B. ne s'arrêta pas de nous relater l'histoire de son séjour au maquis, elle nous dit : « j'ai continué à rencontrer les difficultés de la vie toute seule. Même mon père nous a quitté et a quitté ma mère immédiatement après son retour du maquis en 1999, pour épouser une autre femme et s'installer chez elle dans la capitale ». La voix de son fils interrompit son discours. Ce dernier rentra en courrant et alla se jeter dans les bras de sa mère qu'il embrassa très fort. Il refusa de la lâcher car, elle était tout pour lui, sa mère et son père en même temps.
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Elle nous informa que son fils est le seul qui soit resté avec elle et que sa mère à elle ne pouvait s'occuper de tous ses enfants. Lorsque nous lui avons demandé des nouvelles de ses filles, F. B. nous répondit avec tristesse qu'elle avait décidé, avant que la situation m'empirait, de les abandonner chez les familles de ses deux maris décédés avant d'ajouter qu'elle avait tant souffert dans le maquis, surtout lorsqu'elle perdit tout ses droits. Il n'y avait ni sécurité ni stabilité, rien d'autre que la peur de la mort. Elle restait au maquis à s'acquitter de ses devoirs de femme sans pour autant essayer de fuir. Elle lavait les vêtements des terroristes et à les séchait en été comme en hiver, elle leurs préparait à manger tout en gardant le silence et en attendant les ordres pour les exécuter. A notre question sur les lieux où les terroristes rencontraient leurs épouses, elle répondit que ces derniers réservaient des gîtes ou des semblants de chambres sous terre qu'ils rejoignaient à des heures très tardives dans la nuits et qu'il quittaient, après avoir passer quelques heures avec elles, pour accomplir les actes terroristes en secret sans qu'elle réussisse à savoir ce que faisaient ses trois maris et son père.
16.
A la question relative au comportement de ses trois maris envers elle, elle répondit qu'elle a toujours était bien traitée surtout de la part son premier mari qui était alors, Emir de la katiba « la mort verte ». Elle était en quelques sortes, le « chouchou du djebel » selon ses dires. Elle était exempte des travaux durs que faisaient les autres femmes kidnappées qui étaient traitées comme des esclaves.
17.
Son troisième mariage en 1997 a été avec son cousin. Elle raconta que ce dernier l'avait privé de tous ses droits civiques avant de l'abandonner à la fin pour une autre femme car, elle ne lui convenait plus. Même son unique fils, il l'a abandonné en toute simplicité.
18.
J'ai épousé mon cousin en 1997 et j'ai abandonné ma fille parce qu'il avait refusé de la prendre en charge.
19.
D'une voix triste, F. B. poursuit l'histoire de son troisième et dernier mariage au maquis. Ce dernier n'était autre que son cousin, qu'elle avait épousé en présence de son père. Celui-ci activait au sein du même groupe terroriste aux environs des monts Hizer. Elle est restée avec lui jusqu'à l'avènement de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Date du retour de notre interlocutrice au sein de la société, lorsqu'elle décida avec son mari et son père de quitter le maquis.
20.
Son retour à la vie naturelle n'était pas comme avant, puisqu'elle porte cette fois ci une lourde responsabilité. La responsabilité de trois enfants, tous nés dans le maquis et qui sont resté en sa compagnie provisoirement chez la maison de son troisième époux à Bouira, et ce, pendant six années. Après leur retour, son mari, alors chômeur, recevait de l'aide de son père. Quant à elle, elle continuait à affronter les problèmes de la vie toute seule, sans l'aide de personne. Des problèmes qui empiraient surtout avec le refus de son mari de prendre en charge ses deux filles, malgré la promesse faite auparavant lorsqu'ils étaient encore au maquis. Celui qui voulait établir un Etat islamique refusait aussi l'officialisation de leur mariage, fuyait ses responsabilités envers son épouse quant à sa situation sociale et ses droits aussi bien que les droits de son fils. L'époux persistait dans son refus, il l'abandonna définitivement en 2006 lorsqu'il l'emmena chez sa famille à Sidi Salem. Depuis cette date, il n'y a eu aucun contact de sa part. il la laissa dans une situation ambiguë, puisqu'elle reste au vu de la loi, sans aucune justification administrative de mariage, et par la même, non divorcé, puisque le divorce ne peut avoir lieu dans pareil cas. Ce dernier justifiait ses actes par son droit à quatre femmes comme le lui autorise la charia.
21.
« Mes enfants sont innocents. Pourquoi payeraient-ils pour un crime qu'ils n'ont pas commis ? »
22.
Cette rencontre a était pour la dame, le cri de détresse d'une femme séparée de ses deux filles dont elle avait abandonné la garde aux familles de ses deux premiers maris tués dans le maquis, à cause de la situation qui prévalait à cette époque là. Ils sont en train de payer à la place de leurs parents. Ils n'ont aucun avenir, surtout sa fille Yasmina qui paye aujourd'hui pour l'ignorance de son père et de son grand père. Elle ne possède même pas les documents administratifs parce que la famille de son père n'a pas encore reçu l'acte de décès de leur fils (le père de Yasmina), parce qu'il a été enterré au maquis.
23.
A notre question si son fils sait quelque chose sur le passé de ses parents, elle répondit que ce dernier est innocent et que lorsqu'il sera grand, il comprendra tout.
24.
Nous avons achevé notre entretient avec notre interlocutrice et l'avions laissé derrière nous. Avec elle, nous avons laissé derrière nous des histoires réelles, mais plus proches du drame et de la fiction que de la réalité. Nous avons quitté Sidi Salem et la dame repentie, mais ses paroles et son dernier regard nous accompagneront tout le long du chemin de retour. Elle disait : « Je suis victime du drame national »


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